Les travaux des Atlantic Dialogues ont été officiellement ouverts jeudi dans l’après-midi en présence de personnalités marocaines et internationales de haut niveau. Organisée par le Policy Center Of The New South, cette septième édition connaît la participation de pas moins de 350 conférenciers venus de 90 pays.
Ce vendredi, les travaux se poursuivent, toujours dans une ambiance sereine. Mais il est quand même important de constater que durant tous les panels tenus jusqu’à présents, ainsi que pour les discussions extra-thématiques à l’ordre du jour, la politique américaine conduite par un Donald Trump controversé, est omniprésente, voire s’impose dans les débats.
Dès le début des travaux, lors justement de la présentation des apports du document ‘‘Atlantic Currents’’, la politique de Trump s’est invitée au débat. C’est dire que l’inquiétude bat son plein à l’heure les Etats-Unis ont à leur tête un Président imprévisible et agressif dans sa politique internationale.
Ici, à Marrakech, on se veut unanimement contre cette vision américaine pour le monde. En effet, différents intervenants de différentes nationalités, y compris américaines, rejettent en bloc cette politique de la Maison Blanche qui ne cesse de plonger le monde dans le doute et l’incertitude.
Younes Abouyoub, directeur de la Division des Nations Unies sur la Gouvernance et le Renforcement de l’Etat, souligne à cet effet que ‘‘l’actuelle administration des Etats Unis consacre beaucoup d’efforts à saper la confiance et de ses alliés, et de ses rivaux. Une fois qu’elle est gravement compromise, rien n’est plus difficile que de rétablir la confiance, même si le prochain président devait s’avérer un fervent partisan de l’internationalisme’’. Ce diplomate a consacré d’ailleurs son intervention à ‘‘L’héritage hasardeux : du multilatéralisme à la Trump à l’effondrement du mythe américain’’.
Même son de cloche chez le Congolais Eric Ntumba. Pour ce banquier, comme pour l’universitaire brésilien Otaviano Canuto, une crise financière internationale n’est pas exclue dans un contexte actuel où le Président de la principale puissance économique mondiale continue de faire cavalier solitaire.
Pour ces deux panélistes, ‘‘les niveaux d’endettement à l’échelle globale, associés aux trajectoires économiques divergentes prises par les Etats Unis et d’autres économies parvenues à maturité, par contraste avec celles de marchés émergents et de marchés frontières, vont planter le décor de la prochaine crise’’.
Mostafa Rezrazi, du PCNS, cite Carl Oglesby, éditeur américain du journal catholique libéral ‘‘Commenweal Magazine’‘, qui avait affirmé que ‘‘des centaines d’années de domination des Etats Unis sur le Sud global ont convergé pour produire un ordre social intolérable’’.
Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d’Etat américaine, a également partagé son sentiment d’inquiétude par rapport à la politique étrangère de Donald Trump et du retrait des Etats Unis des débats qui agitent le monde : « Comment un pays tel les Etats-Unis peut se replier et libérer cet espace à l’échelle internationale qui va être certainement comblé par d’autres nations ? L’Amérique est amenée à jouer un rôle dans ce sens et ne pas se positionner en simple gendarme du monde. Un équilibre doit être trouvé entre la position de retrait négatif et celle du gendarme ».
Le dernier panel de la journée de jeudi a été consacré au commerce transatlantique, menacé de plus en plus par la montée du protectionnisme et des guerres commerciales, notamment entre les deux plus grandes puissances économiques du monde, les Etats Unis et la Chine. La remise en cause des accords de libre-échange par les Etats-Unis et le rétablissement des barrières douanières et tarifaires constituent désormais une menace pour la survie de l’OMC et tout un système mondial bâti à Marrakech en 1994 à l’occasion des accords du GATT. Ce qui appelle selon les intervenants à une réforme urgente de l’OMC et une redéfinition de son action, notamment dans la gestion des conflits entre Etats.
La question du commerce intra-africain a été également posée avec un constat édifiant : l’Afrique est le continent où le commerce intra-pays est le moins développé, avec un taux de 15%, contre 68% en Europe et 48% en Asie. En cause : les barrières douanières que s’imposent les Etats africains, rendant pour un entrepreneur africain l’acte d’exporter vers l’Europe ou les Etats-Unis plus facile qu’au sein du continent.
Au menu aussi en rapport avec la politique Trump, un autre panel sous le thème « La déconstruction de l’ordre mondial américain ».
Mais, à côté de cette rhétorique, on peut se demander si Donald Trump est bien le seul responsable de la déstabilisation de l’ordre économique mondial. Les Etats, d’Afrique notamment, par manque de Démocratie et de transparence dans la gestion de la chose publique, ne sont-ils pas aussi responsables de la montée des inégalités sociales dans leurs pays qui ne cessent d’atteindre des seuils intolérables. Qu’en est-il des puissances régionales comme la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite ou même l’Union européenne ? A se focaliser sur un seul coupable, on risque d’occulter une grande partie des problèmes…
Hassan Zaatit