Un tribunal turc devait statuer vendredi sur la libération ou non du pasteur américain Andrew Brunson, dont la détention puis l’assignation à résidence en Turquie sont au coeur d’une grave crise entre Ankara et Washington.
Cette nouvelle audience, qui se tient sur fond de fortes pressions américaines sur Ankara, s’est ouverte vers 08H00 GMT au tribunal d’Aliaga, au nord d’Izmir dans l’ouest de la Turquie, selon des correspondants de l’AFP.
Le chargé d’affaires à l’ambassade américaine à Ankara Jeffrey Hovenier et Tony Perkins de la commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde étaient présents au tribunal.
Andrew Brunson, qui gérait une petite église protestante à Izmir, est depuis fin juillet assigné à résidence, après avoir été incarcéré pendant un an et demi, poursuivi pour activités « terroristes » et espionnage. Des condamnations qu’il rejette en bloc.
La crise diplomatique alimentée par cette affaire entre les deux alliés au sein de l’Otan a provoqué un effondrement de la livre en août et exposé les fragilités de l’économique turque.
Au cours des audiences précédentes, la cour a à chaque fois refusé la libération du pasteur, mais ses proches et Washington semblent nourrir un certain optimisme quant à l’issue de celle de vendredi.
La chaîne américaine NBC news, citant deux responsables de l’administration américaine, a affirmé jeudi que le pasteur Brunson serait libéré aux termes d’un marché entre Ankara et Washington qui s’engagerait en contrepartie à « assouplir la pression économique sur Ankara ».
Interrogée à ce sujet, la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert a affirmé ne pas avoir connaissance de l’existence d’un tel accord.
S’il est reconnu coupable, Andrew Brunson risque jusqu’à 35 ans de prison.
Son cas a été brandi par des conservateurs chrétiens américains, une importante base électorale pour le président Donald Trump qui a qualifié M. Brunson de « merveilleux pasteur chrétien » et d' »otage patriote ».
Après que le tribunal a refusé de libérer le pasteur lors de la dernière audience, en juillet, Washington a haussé le ton et imposé une série de sanctions contre la Turquie.
Le 10 août, notamment, Washington a doublé les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium de provenance turque, ce à quoi la Turquie a immédiatement répliqué avec une mesure similaire.
– « Aucune preuve » –
« Nous demandons à ce que le contrôle judiciaire, dont l’assignation à résidence et l’interdiction de sortie du territoire, soient levées », explique à l’AFP l’avocat du pasteur, Cem Halavurt.
« Nous croyons depuis le tout début qu’il n’y a aucune suspicion criminelle forte. Il n’y aucune preuve contre lui dans ce dossier », ajoute-t-il.
Les deux parties ont récemment affiché une volonté d’apaisement, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo disant espérer une libération du pasteur et le président turc Recep Tayyip Erdogan émettant le voeux d’une amélioration des relations avec Washington.
Abdulkadir Selvi, un journaliste proche du gouvernement écrivant pour le quotidien Hürriyet, estime que le pasteur pourrait être libéré.
« Si Brunson est libéré comme cela est attendu, l’aspect politique de la crise initiée par Trump le 10 août aura été résolu », a-t-il écrit lundi.
« Je crois que cette affaire sera terminée et que le pasteur sera libéré, en tenant compte du temps qu’il a déjà passé en prison », poursuit M. Selvi.
– « Approche tordue » –
M. Erdogan a affirmé vouloir « résoudre les problèmes avec les Etats-Unis le plus rapidement possible » tout en critiquant une « approche (américaine) tordue consistant à imposer des sanctions contre notre pays en prétextant du cas d’un pasteur jugé pour ses liens troubles avec des groupes terroristes ».
« Comme la Turquie est un Etat de droit, je ne peux intervenir dans la justice », a-t-il également répété d’après des propos publiés dans la presse jeudi.
Outre le cas de Brunson, les Etats-Unis dénoncent aussi l’incarcération de plusieurs Américains en Turquie, dont Serkan Gölge, un scientifique de la Nasa, ainsi que de deux employés turcs de missions diplomatiques américaines.
Un autre dossier qui nourrit les tensions entre les deux pays est celui de la banque publique turque Halkbank, dans l’ex-directeur général adjoint Mehmet Hakan Atilla, a été condamné en mai par un tribunal américain à 32 mois de prison après avoir été reconnu coupable de contournement des sanctions américaines contre l’Iran.
Une amende colossale pourrait être infligée à Halkbank, une perspective qui inquiète le pouvoir turc, qui selon des informations de presse, souhaiterait parvenir à un compromis sur ce dossier dans le cadre d’un éventuel marché impliquant la libération de M. Brunson.
LNT avec AFP