Photo Ahmed Boussarhane-LNT
Vendredi et samedi derniers s’est tenu à Rabat, le 12è colloque des Finances publiques organisé chaque année par la Trésorerie Générale du Royaume, TGR, sous l’égide du Ministère de l’Économie et des Finances, en collaboration avec la Fondation Internationale des Finances Publiques, Fondafip, et la Revue Française des Finances Publiques, RFFP, dirigée par l’éminent professeur Michel Bouvier.
Lors de la séance inaugurale, la thématique principale « Finances publiques et justice sociale », inspirée du dernier Discours du Trône, y a été traitée sous ses différents angles par les intervenants, le Ministre de l’Économie et des Finances, M. Mohamed Benchaâboune et le Trésorier général du Royaume, M. Noureddine Bensouda, pour la partie marocaine, M. Jean-Marie Bertrand, au nom du Premier Président de la Cour des Comptes française et M. Michel Bouvier, Président de la Fondafip pour la partie internationale.
En ce qui concerne la justice sociale, préoccupation majeure du Roi Mohammed VI, il est clairement ressorti des allocutions de MM. Benchaâboune et Bensouda les contours de cette problématique pour notre pays, mais aussi des solutions à y apporter déjà programmées.
Une approche déjà ancienne
Les injustices sociales, qui ne se limitent pas aux revenus uniquement, comme l’a précisé M Bensouda dans son intervention, « touchent également à l’accès aux biens et services collectifs, tels que l’éducation, la santé, le transport. Elles se manifestent en outre au niveau de l’accès au logement, au marché du travail ».
Et le Trésorier général du Royaume de citer dans son allocution introductive, un extrait du récent discours royal : « L’ampleur du déficit social et les modalités de réalisation de la justice sociale et territoriale sont parmi les principales raisons qui Nous ont incité à appeler, dans le Discours d’ouverture du Parlement, au renouvellement du modèle de développement national ». Enfin, une solution durable qui se dessine !
Mais, tout d’abord, il est important de porter à la connaissance des lecteurs les principaux constats qui portent sur le bilan de la prise en charge des inégalités dans le passé et que M. Bensouda a dressés :
Historiquement, les pouvoirs publics ont beaucoup plus axé leurs politiques publiques sur le développement économique que sur le volet social, en investissant massivement dans les barrages, les routes, les écoles et universités, les hôpitaux.
Mais aussi, dès les années 1990, en encourageant l’émergence d’un secteur privé national pour accompagner les efforts de l’Etat et des entreprises publiques en matière de développement économique.
À ce titre, le budget public a été sollicité pour les subventions aux secteurs d’activités économiques, l’aménagement de zones industrielles, et un système d’incitation fiscale très généreux de codes d’investissements.
Cette politique publique se basait sur la logique que la croissance économique bénéficierait à toute la population !
Toutefois, de tout temps des actions sociales de lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités, ont été mises en place comme le programme des priorités sociales, les programmes d’approvisionnement en eau potable, de désenclavement et d’électrification rurale, le programme de logement social, la compensation.
Et dès 2000, la couverture médicale de base qui se compose de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et du Régime d’Assistance Médicale (RAMED), l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) et l’Initiative Locale pour le Développement Humain (ILDH), le programme Tayssir destiné à lutter contre l’abandon scolaire et à rendre effective la scolarisation obligatoire des enfants âgés de 6 à 15 ans dans les milieux défavorisés et l’Initiative Royale « 1 million de cartables ».
À l’impossible, nul n’est tenu
Mais très vite, les finances publiques se sont trouvées sous pression et de fait les politiques sociales ont été ralenties.
Les raisons tiennent « à l’insuffisance des ressources de l’Etat, du fait de la baisse tendancielle des recettes fiscales, et à la faiblesse du rôle redistributif de l’impôt qui est le propre même de l’Etat providence » précise le Trésorier Général.
Car directement ou indirectement, les programmes sociaux sont financés par le Budget général, qu’il s’agisse de l’éducation, la santé, l’habitat, les équipements. Ou encore par des comptes spéciaux du Trésor pour l’INDH, le Fonds pour le développement rural et des zones de montagne, le Fonds d’appui à la cohésion sociale.
Ainsi, les finances publiques ne pourront plus être seules à prendre en charge les programmes sociaux.
En effet, le Budget de l’État, très sollicité, arrive tout juste à dégager un solde ordinaire positif tout en finançant la totalité du Budget d’investissements par l’endettement.
C’est ce que résume, dans son récent discours et en une phrase, le Roi Mohammed VI : « Le Maroc a réalisé des progrès manifestes, mondialement reconnus, le modèle de développement national, en revanche, s’avère aujourd’hui inapte à satisfaire les demandes pressantes et les besoins croissants des citoyens, à réduire les disparités catégorielles et les écarts territoriaux et à réaliser la justice sociale ».
Donc, il s’agit de mettre en place un nouveau modèle de développement qui va marquer un réel tournant pour notre pays. En effet, des solutions se précisent et devront être mise en œuvre rapidement. Et de plus elles sont pragmatiques et réalistes parce que d’abord économiques.
Elles s’inspirent, encore une fois, de propositions du Souverain dans son discours du Trône où il affirme : »
Il s’agit en fait de mettre en œuvre une véritable politique de territorialisation économique des investissements publics et privés, du rôle primordial de l’entreprise, et particulièrement de la petite et moyenne entreprise, en tant que vecteur essentiel pour le développement économique, la création des emplois et de la richesse nationale », ajoutant que « l’entreprise productive a aujourd’hui besoin de davantage de confiance de la part de l’Etat et de la société ».
Pour applaudir, il faut deux mains !
En conséquence, le gouvernement s’apprête à apporter tout l’appui et le soutien nécessaires au tissu économique, en termes d’amélioration du climat des affaires, de facilitation de l’accès des PME et des TPE aux financements bancaires et à la commande publique, de promotion de la formation et de son adéquation aux besoins du marché et d’encouragement des exportations. Voilà une bonne nouvelle !
Une charte de l’Investissement en vue de favoriser davantage l’environnement de l’acte d’investir dans notre pays sera définie et appliquée très rapidement.
Mais, parallèlement, la pauvreté et les inégalités requièrent la mobilisation aux côtés de l’Etat de tous les autres acteurs de la société, à savoir les collectivités territoriales, les établissements et les entreprises publics, le secteur privé, les associations, les ONG et le mécénat.
D’où la seconde charte pour la déconcentration administrative à l’effet de permettre aux autorités régionales, préfectorales, provinciales et locales de prendre les décisions de proximité.
Et la création d’un « Registre Social Unique » qui sera constitué et activé afin de recenser les bénéficiaires, mais aussi et surtout d’agréger d’une part les besoins et de l’autre les différents dispositifs d’aide et de soutien pour une distribution optimale.
En conclusion, le renforcement de la compétitivité des entreprises, une vision intégrée de déploiement des politiques sectorielles, la consolidation et l’accélération de la politique de transformation industrielle doivent favoriser le renforcement de la cohésion sociale, la réduction des inégalités sociales et spatiales et la promotion de l’emploi.
En même temps et pour la première fois, le Maroc sera géré sur la base d’une politique économique, sociale et solidaire efficiente, équitable et pérenne.
Et, c’est cette notion de durée qui en assurera la plus grande efficacité…
Voilà pourquoi, déjà, l’on attend beaucoup de la prochaine Loi de finances, qui sera chargée ou ne sera pas…
Afifa Dassouli