Mohamed Abdennabaoui, Procureur Général du Roi près la Cour de Cassation
L’évolution de la justice, le parlement et les droits de l’Homme ont été au centre du colloque international qui se poursuit ce mercredi à Rabat sur le thème « L’évolution constitutionnelle au Maroc: Origines historiques, manifestations actuelles et défis futurs ».
Dans une intervention intitulée « Évolution de la justice: d’une mission à une autorité dans les constitutions marocaines », le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du parquet général, Mohamed Abdennabaoui, a passé en revue les différentes étapes parcourues par la justice dans les constitutions marocaines, en particulier la Constitution de 2011 dans laquelle la justice est passée d’une fonction à une autorité, tout en s’arrêtant sur la différence entre l’indépendance de la justice et la séparation entre les pouvoirs qui régnait auparavant.
Dans une allocution lue en son nom par le secrétaire général à la présidence du parquet général, Hicham El Blaoui, M. Abdennabaoui a relevé que dans le cadre des précédentes constitutions, les juges ne disposaient pas d’entités dirigeantes spécifiques qui les représentaient et ce malgré que la constitution énonçait le principe de l’indépendance de la justice.
Ce principe, a-t-il poursuivi, requiert une indépendance institutionnelle garantissant aux juges une protection contre toute intervention en dehors de l’autorité judiciaire, et parant toute ingérence dans ses affaires judiciaires, et ce à travers un cadre institutionnel préservant l’autorité judiciaire et empêchant les autres autorités à se mêler dans sa gestion ou son contrôle.
Il existe des régimes qui prônent une indépendance tout à fait extrême de la justice et en font même une autorité entièrement autonome, où la gestion des affaires des juges et de la justice est confiée au pouvoir judiciaire lui-même, a-t-il fait remarquer, soulignant que la Constitution de 2011 tend relativement vers la consécration de ce principe.
La pratique constitutionnelle d’avant 2011 considérait que la gestion judiciaire se fait à travers le gouvernement en la personne du ministre de la Justice et sous le contrôle du parlement, or, a-t-il dit, l’actuelle Constitution est venue consacrer les hautes orientations royales, à travers son article 107 qui dispose que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire ».
Sous le thème « la justice et la protection des droits et libertés », le président de la Cour de cassation, président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mostapha Faress, a souligné l’importance accordée par l’histoire du Maroc au pouvoir judiciaire dans la consolidation de l’unité du pays, la protection de ses piliers et la consécration de ses valeurs de liberté, de citoyenneté, d’égalité et de responsabilité.
Le Maroc est actuellement face à un projet sociétal, dont la plupart des choix sont fondés sur la présence d’un pouvoir judiciaire indépendant avec toute sa signification symbolique et réaliste et ses dimensions constitutionnelles, organisationnelles, administratives et financières visant à assurer l’application juste des lois, protéger les droits et libertés et à garantir la sécurité judiciaire.
Intervenant autour du thème « l’évolution des questions des droits et libertés dans les constitutions marocaines », le président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Driss El Yazami, a évoqué l’évolution de l’intérêt porté par le législateur constitutionnel marocain aux questions de droits et de libertés, à travers l’étude du contenu de la constitution de 1962 jusqu’à 2011, et le rappel des contextes politiques, conjoncturels, nationaux et internationaux ayant nécessité la constitutionnalisation de certains droits fondamentaux, que ce soit en réponse aux demandes et à la dynamique des acteurs de la société, ou en interaction avec les transformations internationales, l’évolution du système international des droits de l’Homme et la pratique conventionnelle du Royaume.
M. El Yazami s’est également intéressé au changement fondamental connu par le Maroc avec l’adoption de la Constitution de 2011, la qualifiant de « constitution des droits de l’Homme par excellence », tant en termes du nombre important de dispositions liées aux droits humains (plus de 60 dispositions) qu’en termes de philosophie générale suivie pour son élaboration, et le long processus de concertation ayant précédé le vote.
Il a aussi rappelé le chantier législatif ouvert complétant la constitution, qui consolide fortement les droits de l’Homme dans le système législatif national que ce soit au niveau des droits civils et politiques, ou des droits économiques, sociaux et culturels, ou encore des droits catégoriels et l’instauration de l’égalité entre les deux sexes et de la non-discrimination.
Pour sa part, Rachid Medouar, professeur de Droit constitutionnel à l’Université Hassan II à Mohammedia-Casablanca, a souligné, dans son intervention sous le thème « aspects de l’évolution parlementaire au Maroc à la lumière des nouveautés constitutionnelles », que la Constitution, adoptée par référendum le 1er juillet 2011, est la première constitution introduisant des amendements substantiels à la répartition des pouvoirs au Maroc.
Le Parlement a bénéficié d’une bonne partie de ces amendements constitutionnels ayant eu un impact clair et net sur le développement des moyens et outils mis à la disposition des parlementaires, a ajouté M. Medouar, précisant que ces amendements constituent des perspectives prometteuses qui contribueront à développer davantage l’action parlementaire et qui conduiront à une bonne pratique parlementaire.
Dans le cadre de son intervention intitulée « la régionalisation avancée, levier de la gouvernance territoriale: cadre constitutionnel et institutionnel », Ahmed Bouachik, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat a souligné l’importance de la régionalisation avancée comme une nouvelle politique publique territoriale se manifeste dans le fait qu’elle constitue un levier de gouvernance territoriale, qui est basée sur des principes solides de la gestion publique et qui recourt à des mécanismes permettant la mise en œuvre d’une démocratie citoyenne et un développement économique intégré et durable.
« Malgré l’efficacité et l’efficience de la bonne gouvernance territoriale et en dépit du caractère global et harmonieux de cette nouvelle politique de régionalisation, certaines contraintes juridiques et institutionnelles de l’ingénierie territoriale actuelle affectent la rentabilité et l’attractivité de l’espace territorial régional », a regretté M. Bouachik.
Plusieurs axes ont été traités lors de cette conférence notamment « L’évolution de la justice constitutionnelle au Maroc: entre régulation et protection », « la régionalisation avancée et les relations Etat-région: une exigence de cohérence », « le rôle de Nelson Mandela dans la mise en place et le développement de la constitution en Afrique du Sud ».
LNT avec MAP