Mohamed Mourabiti, artiste peintre, au Maqam de Tahannaout. Crédits : FY-LNT
Si vous êtes à Marrakech et que l’envie vous vient de vous reposer de la fureur de la place Jamaa El Fna, prenez la route de Taroudant et arrêtez-vous à Tahannaout. C’est à une trentaine de kilomètres à peine et c’est la seule ville du Maroc qui vous fait une haie d’honneur avec des œuvres d’artistes de renom en signe de bienvenue. A l’entrée de la ville, vous remarquerez à droite une modeste pancarte qui vous indiquera le Maqam.
C’est un palindrome parfait, qui signifie station, modèle transcendant ou encore mode d’expression musicale d’une richesse et d’une variété infinies en Orient et dans le monde arabe.
A Tahannaout, il désigne la maison des artistes et un lieu de partage et de fraternité. Entrez sans frapper et préparez-vous à oublier les tracas, la frénésie et les bruits de la ville.
Laissez-vous envouter par le chant des oiseaux, les senteurs des fleurs sauvages et le désordre savamment entretenu des sculptures, des pierres, des cactus et des massifs de verdure placés sous la bienveillance de nombreuses tonnelles et d’une multitude d’arbres fruitiers et d’ornement.
Ici au Maqam, les artistes-peintres, les sculpteurs, les dessinateurs, les musiciens, les écrivains et les poètes aiment à se retrouver pour partager leurs sensations du monde et chercher ensemble comment mieux le comprendre pour le rendre encore plus beau.
C’est ici qu’ils trouvent refuge et qu’ils peuvent se reposer dans des petits bungalows qui n’ont rien de spartiates malgré leur allure modeste, mais qui sont le témoignage authentique du travail de la main de l’homme et de l’artiste.
Les pensionnaires, même s’ils ne sont pas artistes, peuvent tutoyer la nature, retrouver les chevaux et les animaux de basse-cour, les jardins potagers les arbres fruitiers et les parterres de fleurs.
Et quand bien même vous n’êtes pas artiste, rien ne vous empêche d’espérer une inspiration tardive tant le lieu s’y prête et parce que vous êtes en compagnie de visiteurs avides comme vous, de la beauté du monde.
Le maître des lieux a tout fait et ne cesse d’inventer tous les jours, pour vous faire partager un bonheur en apparence si simple.
Mohamed Mourabiti n’est jamais satisfait depuis qu’il sait qu’on peut faire mieux.
Pour devenir l’un de nos meilleurs artistes peintres vivants, il a pris les chemins de traverse et les voies buissonnières pour trouver sa voie.
On le dit autodidacte pour mieux célébrer son entêtement à briser le carcan académique imposé par les mandarins de l’art.
Il s’est juré d’apprendre aux jeunes des villages et des campagnes à faire comme lui, à inventer les expressions les plus épurées et à faire la nique à l’académie, comme tous les artistes qui, depuis les temps les plus reculés, nous ont transmis l’art de la figuration et l’harmonie des formes.
Tant et si bien qu’ici, au Maqam, on fait tout pour laisser la nature prendre ses droits et faire en sorte que l’écologie ne soit pas le mot à la mode, mais Le Mode de vie.
On y apprend à respecter et à aimer la terre et l’eau. Ici la gastronomie est authentique, simple et écologique avant la lettre.
A la table du Maqam, on apprend à rompre le pain ensemble, à communier devant un tagine de légumes et à se laisser griser par un couscous d’orge ou le poulet beldi aux olives et au citron confit.
Et puis il y a le festival annuel du Haouz et ses visiteurs toujours heureux d’être là, dans ce bout de paradis.
Et quand vous aurez visité les expositions et les ateliers de peinture, les bungalows des artistes, le jardin potager, les enclos du haras ; que vous aurez croisé des visiteurs ravis de vous rencontrer, ne parlez surtout pas de tourisme ; vous serez sûrs d’être éconduits.
Parce qu’au Maqam vous êtes chez vous et que vous risquez d’indisposer les hommes et les femmes qui vous ont déjà adoptés.
Et s’il vous arrive d’entendre vibrer les vitres des lieux qui vous renvoient en écho un rire à réveiller les morts, sachez que le second maître des lieux vient célébrer avec vous et à sa manière, l’hymne au bonheur du Maqam.
C’est Mahi Binebine, l’inséparable et fidèle complice qui comble la retenue timide de Mourabiti, par sa gouaille et ses tonnes de joie et d’allégresse à revendre.
Quand la retenue et l’exubérance font bon ménage, attendez-vous à la fulgurance des idées et à la beauté qui s’invite.
Et comme les deux compères ont toujours appris à partager, ils ont décidé d’inviter à se joindre à leur farandole, les jeunes des environs et à partager avec eux les richesses de leur histoire et de leurs traditions.
Mourabiti, têtu comme un artiste, crée le festival du Haouz, fait découvrir les richesses de son terroir, et veut transcender le folklore et les festivités qui commencent comme d’habitude, par les danses chamarrées et finissent par les fantasias sous les applaudissements sincères ou convenus.
Il a décidé de faire bouger les lignes et de prendre tous les risques. Il connaît le pays berbère et sait que rien ne pourra le faire reculer.
Tous les jeunes et moins jeunes sont invités à mettre en valeur leur patrimoine régional.
Les visiteurs du monde entier et les fidèles du Maqam, découvriront chaque année de nouvelles formes, de nouvelles créations et une énergie inépuisable.
Rendez-vous donc au prochain festival. Mais pour ceux qui comme moi, ont la chance de venir régulièrement au Maqam, je dirai : « à très bientôt ».
Saad Khiari
Cinéaste-auteur