Vue sur le ministère des Affaires étrangères à Moscou, le 17 mars 2018 © AFP/Archives Alexander NEMENOV
La Russie, mise en cause par les Occidentaux après l’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal et sa fille en Angleterre, a contre-attaqué mercredi en dénonçant la « russophobie » de Londres et la responsabilité britannique dans l' »attaque terroriste » visant ses ressortissants.
Tous les ambassadeurs à Moscou avaient été invités au ministère des Affaires étrangères pour écouter la position russe dans cette affaire à l’origine d’expulsions de diplomates sans précédent entre les deux pays depuis la Guerre froide et d’un regain de tensions Est-Ouest.
Cette longue démonstration, snobée notamment par les ambassadeurs britannique, français et américain, a surtout servi à tancer les accusations britanniques et abouti à une nouvelle guerre des mots, Londres accusant ensuite Moscou de « continuer à répandre des mensonges » et Boris Johnson jugeant le Royaume-Uni visé pour « dénoncé à maintes reprises » ses « abus ».
Le responsable du ministère des Affaires étrangères russes chargé de la non-prolifération, Vladimir Ermakov, a dénoncé les « incohérences » de la version britannique. Interpellé par une diplomate britannique sur ses éventuels programmes d’armes chimiques, il lui a répondu: « Sortez donc un peu de votre russophobie, de votre mentalité insulaire (…) J’ai honte pour vous ».
Affirmant à de nombreuses reprises « n’accuser personne », il a martelé: dans tous les cas, selon lui, Londres est responsable du sort de Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Ioulia, 33 ans, hospitalisés depuis le 4 mars à Salisbury, ville du sud de l’Angleterre.
« Soit les autorités britanniques ne sont pas en mesure de fournir une protection contre ce type, disons-le ainsi, d’attaque terroriste, soit elles ont directement ou indirectement – je n’accuse personne de quoi que ce soit – mis en scène une attaque contre un citoyen russe », a-t-il expliqué.
« N’importe quelle substance toxique militaire aurait fait de multiples victimes sur le lieu de l’empoisonnement. Mais à Salisbury, ce n’était pas du tout le cas », a affirmé ce diplomate, responsable du département du ministère chargé de la non-prolifération et le contrôle des armements.
Quant à l’origine de l’agent innervant en cause, identifié par Londres comme produit dans le cadre du programme soviétique d’armes chimiques « Novitchok », il a insinué qu’elle pouvait venir des Etats-Unis, mais s’est excusé auprès de la Suède et la Slovaquie pour des déclarations précédentes les désignant comme possible lieu d’origine.
– Merkel ‘solidaire’ –
A Londres, le chef de la diplomatie Boris Johnson a aussitôt répliqué: « La raison pour laquelle ils ont pris le Royaume-Uni pour cible est très simple, c’est parce que c’est un pays qui a un sens particulier des valeurs, qui croit en la liberté, en la démocratie et en l’État de droit et a à maintes reprises dénoncé les abus de la Russie concernant ces valeurs »,
L’empoisonnement de Sergueï Skripal a ravivé le climat de confrontation Est-Ouest, latent depuis l’annexion de la Crimée par Moscou en mars 2014, et a exacerbé les tensions entre Moscou et Londres dont les relations étaient déjà glaciales.
Londres a expulsé 23 diplomates russes du territoire britannique et annoncé le gel des relations bilatérales.La Russie, qui clame son innocence, a rétorqué en expulsant à son tour 23 diplomates britanniques et en mettant fin aux activités du British Council dans le pays.
Et la Première ministre britannique Theresa May a dit « réfléchir activement » à d’autres mesures de rétorsion contre Moscou, selon son porte-parole.
Mais Moscou nie toute responsabilité, comme l’existence de tout programme du nom de « Novitchok » en URSS ou en Russie, et affirme que Londres ne lui fournit pas les éléments suffisants pour s’expliquer.
Commentant l’absence de l’ambassadeur britannique à la réunion à Moscou mercredi, le Kremlin y a vu le signe « d’une situation absurde où l’on pose des questions mais on ne veut pas entendre les réponses ».
Les dirigeants de l’UE, qui ont resserré les rangs derrière Londres, sont prêts à se « coordonner sur des mesures » contre la Russie, selon un projet de déclaration préparé pour leur sommet jeudi et vendredi à Bruxelles, vu mardi par l’AFP.
« Nous sommes aux côtés de la Grande-Bretagne, nous sommes solidaires » avec Londres, a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel dans un discours.
Seul Donald Trump a semblé sortir du rang occidental en n’abordant par le sujet lors d’un entretien téléphonique mardi avec Vladimir Poutine, qu’il a félicité pour sa réélection triomphale dimanche pour un quatrième mandat.
LNT avec Afp