Ce week-end, le PJD organise son 8ème congrès national, sous le signe «Ensemble pour poursuivre l’édification démocratique». Un évènement politique très attendu de tous.
Seulement et contrairement aux éditions précédentes, celle de cette année s’annonce chaude. Et de l’avis de beaucoup, le PJD, une formation politique qui se veut un cas d’école en matière de cohésion, est aujourd’hui confronté au défi d’éviter la scission et l’implosion.
Car, rappelons-le, depuis l’annonce de Benkirane de son souhait de briguer un troisième mandat à la tête du PJD, le parti vit un réel malaise. Et depuis également, l’écart se creuse entre les pro-Benkirane et bien d’autres pjdistes conduits par le courant des ministres du parti, qui voient en la nomination de Benkirane comme SG pour la troisième fois de suite, une dérive institutionnelle grave.
En effet, les Othmani, Ramid, Rebbah, Boulif, Amara, El Khalfi, Yatim et autres Hamiddine, sont catégoriques et ils n’en veulent pas. Et d’ailleurs, cette question a été tranchée.
Le Conseil National du parti vient de voter contre l’amendement de l’article 16 du statut du règlement interne de la Lampe. Donc pas d’exception à cet article, qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a mis au-devant de la scène la problématique du leadership d’un parti se voulant respectueux des normes démocratiques.
Pas de troisième mandat donc pour Benkirane au Secrétariat Général du parti. Mais en réalité, et entre les lignes, le courant des ‘‘ministres-PJD’’ vient de signer son départ à la retraite. Les votants ‘‘oui’’ ont été au nombre de 101 et les votants ‘‘contre’’ ont été au nombre de 126, avec 4 votes annulés, pour un total de 231 votes. Ceci dit, avec seulement 25 votants d’écart entre les ‘‘oui’’ et les ‘‘non’’, les chances de Benkirane importantes, sachant que le congrès, instance souveraine, a le droit de revenir sur l’amendement de l’article 16.
Car, cet amendement ne peut être adopté que par le congrès et pour cela, ce point doit figurer à l’ordre du jour. De quoi inquiéter le courant des pjdistes-ministres qui ne peuvent compter sur les congressistes dont la majorité se veut pro-Benkirane. C’est dire que rien n’éloigne l’hypothèse d’un coup de théâtre. Car, on le dira pas assez, Abdelilah Benkirane n’est pas du genre à se laisser éclipser facilement.
En attendant, l’ex-Chef du Gouvernement, lui, n’est pas le seul à exprimer un fort appétit pour le secrétariat général.
Les noms ne circulent toujours pas officiellement, mais on peut en déduire que Ramid serait en lice. D’ailleurs, l’homme a toujours été en course pour ce poste, synonyme aujourd’hui de présidence du gouvernement vu la percée politique de la Lampe.
En effet, en 2008, comme en 2012, Ramid venait en seconde position, immédiatement après Benkirane, avec quelques voix d’écart seulement.
De plus, Ramid se voit aujourd’hui mieux placé pour le SG après avoir gagné en maturité et en sagesse pour avoir occupé le ministère de la Justice et celui d’Etat avec à la base une riche carrière politique en tant ténor du mouvement islamiste marocain et professionnelle en tant qu’avocat. D’ailleurs, s’il y a quelqu’un qui s’est opposé à l’amendement de l’article 16, c’est bel et bien lui.
En course aussi, Aziz Rebbah, un pjdiste très ambitieux pour les postes d’en haut. Ancien SG de la Chabiba du parti, ministre du Transport dans le Gouvernement Benkirane, ministre de l’Energie et des Mines dans le Gouvernement El Othmani, et président du Conseil de la Ville de Kénitra deux fois de suite, Rebbah pourrait toujours compter sur la carte du rajeunissement, un slogan très prisé au parti. Néanmoins, on lui reproche souvent d’être une personnalité politique ‘‘qui veut arriver vite’’.
El Othmani, premier SG du parti après le départ d’El Khatib en 2004, reste le théologien du parti et son recours en cas de problématiques et de difficultés graves…Il est donc le Joker.
Le psy, aujourd’hui Chef du Gouvernement, arrive jusqu’à présent à bénéficier de la confiance des Pjdistes. A rappeler qu’en 2004, une année après les attentats terroristes de 2003, El Othmani avait réussi à éviter au parti le pire, à savoir son implication dans ces attentats meurtriers du 16 mai à Casablanca. Et pour cela, les Pjdistes lui en sont toujours reconnaissants.
Il est connu aussi pour son respect de la légitimité, la discipline dans le travail institutionnel et démocratique.
Et concernant ce 8ème congrès, il est pleinement conscient de l’enjeux de l’heure. D’ailleurs et depuis des mois déjà, le président du Conseil National ne cesse de souligner que le parti n’a pas d’autre issue que d’œuvrer à la préservation de son unité et de sa cohésion. Seul bémol : C’est une personnalité, certes respectée de tous, mais qui manque du charisme nécessaire pour enthousiasmer les foules.
On comprend dès lors que l’éventuelle reconduction pour un troisième mandat de l’actuel SG du PJD, Abdelilah Benkirane, ne manquerait pas d’amplifier les luttes internes au sein de la Lampe. Idem, sans doute, pour la signature officielle de son départ.
Rappelons, en effet que l’écartement de Abdelilah Benkirane, en avril 2017, du poste de Chef de Gouvernement au profit de Saâd Eddine El Othmani, chargé de mettre un terme aux interminables tractations politiques engagées au lendemain des législatives d’octobre 2016, a créé des dissensions que tente toujours de contenir le PJD.
Politiquement, cette fois-ci, la question de la survie politique de l’enfant terrible et chéri du PJD reste problématique à plus d’un titre, car il s’agit tout simplement d’une personnalité politique toujours aussi populaire, malgré son départ du Gouvernement. Et la victoire électorale du PJD fut en bonne partie acquise grâce à lui.
C’est dire que le suspens ne manquera certainement pas de marquer les travaux du huitième congrès du parti. Un véritable tournant est en perspective !
Hassan Zaatit