Photo montage de Ratko Mladic à gauche le 15 février 1994 quand il était chef militaire des Serbes de Bosnie et à droite quand il entre au tribunal à La Haye le 22 novembre 2017 © AFP/Archives PASCAL GUYOT, Peter Dejong
Surnommé le « Boucher des Balkans », l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a été condamné mercredi à la perpétuité par la justice internationale pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
« Pour avoir commis ces crimes, la chambre condamne M. Ratko Mladic à la prison à vie », a déclaré le juge du tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) Alphons Orie en l’absence de l’accusé, évacué de la salle peu avant pour avoir traité ses juges de « menteurs ».
« Les crimes commis se classent parmi les plus haineux connus du genre humain », a martelé le magistrat, considérant que les circonstances atténuantes évoquées par la défense, dont sa capacité mentale affaiblie, « avaient peu ou pas de poids » dans le jugement.
Le fils De Ratko Mladic a annoncé que son père allait faire appel de ce jugement.
Plus de vingt ans après la guerre qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés dans les années 1990, Ratko Mladic, 74 ans, a été reconnu coupable de dix chefs d’accusation, dont le génocide de l’enclave de Srebrenica où 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués. Il a été acquitté de l’accusation de génocide dans plusieurs municipalités.
A l’extérieur du tribunal, tout comme à 1.800 kilomètres de là, à Srebrenica (nord-est de la Bosnie), des femmes qui ont perdu leurs époux, leurs fils, leurs proches, pleuraient et se serraient dans les bras.
Créé en 1993 pour juger les responsables présumés de crimes de guerre durant les conflits des Balkans, le TPIY a connu mercredi « une étape importante dans (son) histoire et pour la justice internationale » avant de fermer définitivement ses portes le 31 décembre, a déclaré le procureur Serge Brammertz dans le hall du tribunal.
Mais pour le fils de l’accusé, Darko Mladic, « cette peine est injuste et contraire aux faits, et nous la combattrons en appel pour prouver que ce jugement est faux ».
« Aujourd’hui, la justice a été remplacée par de la propagande de guerre », a-t-il encore déclaré, lors d’une conférence de presse, après l’énoncé du verdict.
Le procès en appel de Mladic devrait se tenir devant le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), organisme chargé d’achever les travaux des tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l’ex-Yougoslavie. Tout comme celui de Radovan Karadzic, son alter ego politique condamné à quarante ans de prison en première instance.
– ‘Vous mentez’ –
Quelques instants avant sa condamnation, Ratko Mladic a été évacué de la salle d’audience sur ordre de M. Orie, après s’être levé et avoir crié aux juges qu’ils mentaient.
Le juge Alphons Orie venait de refuser d’accéder à la demande de ses avocats d’interrompre les procédures en raison de sa tension artérielle trop élevée. Depuis des jours, la défense tentait en vain d’obtenir un report de ce verdict historique.
« Ils mentent. Vous mentez. Je ne me sens pas bien », a crié Ratko Mladic avant d’être installé dans une pièce adjacente pour écouter la suite du jugement.
Déjà, à son arrivée dans la salle d’audience, le « Boucher des Balkans », costume sombre et cravate rouge carmin satinée, avait levé un pouce et refusé de saluer le tribunal.
Une attitude qualifiée de « lâche » et « lamentable » par Kelima Datovic, qui a connu la faim et le froid dans un camp au nord-ouest de la Bosnie en 1992 où elle a été détenue à l’âge de 28 ans, enceinte et avec sa fille de six ans.
– ‘Quintessence du mal’ –
Salué par la communauté internationale, ce jugement vient fermer un chapitre des conflits en ex-Yougoslavie, une région toujours fracturée après les pires crimes commis en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.
A Belgrade, le président serbe Aleksandar Vucic a encouragé ses compatriotes « à regarder vers l’avenir, à penser à nos enfants, à la paix, à la stabilité dans la région ».
L’Otan et l’UE ont appelé à la « réconciliation » dans les Balkans, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, espérant « que ce jugement encouragera la région à avancer sur le chemin de la paix et de la réconciliation ».
Qualifiant le condamné de « quintessence du mal », le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Zeid Ra’ad Al Hussein, qui appartenait à la Force de protection de l’ONU dans l’ex-Yougoslavie entre 1994 et 1996, voit en ce verdict « un avertissement aux auteurs de tels crimes qu’ils n’échapperont pas à la justice, aussi puissants soient-ils, et quel que soit le temps qu’il faudra ».
Inculpé en 1995, Ratko Mladic a été arrêté chez un cousin après une cavale de seize ans et transféré à La Haye. Son procès aura duré cinq ans. 523 jours.
Le « Boucher des Balkans », qui n’avait jamais reconnu une once de culpabilité, a également été jugé coupable de l’enlèvement d’employés des Nations unies et du siège de Sarajevo, long de 44 mois, au cours desquels 10.000 personnes ont été tuées.
« Ma génération et les générations futures ne doivent jamais oublier ce qui est arrivé à nos familles », a déclaré Edin Halilovic, Néerlandais de 18 ans qui a perdu son grand-père à Srebrenica en 1995.
LNT avec Afp