Le 8 novembre 2017, à 10 jours de la fête de l’indépendance, le Maroc est entré dans la cour des grands en matière spatiale, en lançant depuis la Guyane son propre satellite d’observation, le «Mohammed VI-A», ou «Moroccan EO Sat1», de son nom technique. Ce satellite est en fait la première composante d’un système d’imagerie spatiale baptisé «Pleiades», capable de fournir des clichés de n’importe quel point du globe terrestre en moins de 24 heures. Ce nouveau satellite d’observation dispose selon les spécialistes d’une capacité qui lui permet de fournir des images et photographies en très haute résolution. Seuls deux pays du continent africain disposaient jusque-là de satellites mis en orbite, à savoir l’Afrique du Sud et l’Egypte.
Ce lancement est une nouvelle étape franchie par le Maroc dans le développement des hautes technologies dans le pays, et le Royaume a toujours eu, de son histoire, un féroce appétit pour l’acquisition de technologies de pointe, notamment dans le domaine des télécommunications. Bien évidemment, le pays ne dispose pas de moyens équivalents à ceux des économies plus avancées, mais, autant qu’il a pu, il s’est toujours attaché à rester dans la course à la technologie.
Les réseaux, ossature des télécommunications
C’est sous le règne de Feu le Roi Mohamed V que le Ministère des Postes Télégraphes et Téléphones a été créé pour la première fois, le 26 octobre 1956, quelques mois seulement après la proclamation officielle de l’indépendance, le 2 mars de cette année. Le Royaume a déjà fait ses premiers pas dans le domaine des télécommunications, avec notamment une première liaison téléphonique installée en 1883 à Tanger, et la liaison automatique interurbaine mise en place en 1932.
Mais un pays ne doit pas seulement développer la communication en son sein ; il doit pouvoir également s’ouvrir au reste du monde. Depuis les années 60, le satellite reste, par excellence, le moyen le plus adéquat pour la télévision, grand consommateur de canaux satellitaires, pour la diffusion ou encore pour assurer une transmission depuis des lieux difficiles d’accès. C’est pourquoi la communication satellitaire fut introduite au Maroc en 1968, et le Maroc inaugura la première Station Terrienne des Télécommunications par satellites à Sehoul, dans la région de Rabat, en janvier 1970.
Toujours dans cette idée de développer sa communication avec le reste du monde, le ministère des PTT a rapidement mis en route, dans les années 60, de grands chantiers d’installation de câbles sous-marins vers l’Europe. Cela commença par le premier câble sous-marin analogique reliant Tétouan à Canet en France, d’une capacité de 96 circuits, en 1966, soit tout juste 10 ans après la pose du premier câble du genre entre les USA et la Grande-Bretagne, jusqu’à «Atlas», reliant Asilah à Burgau (Portugal), d’une capacité de 1260 circuits.
Le Maroc passe au numérique
Lorsque la distance augmente, dans les communications interurbaines et internationales, il faut compenser l’atténuation de la voix et diminuer aussi le nombre de fils, au moyen d’équipements permettant de transmettre le plus grand nombre de communications sur un même support. Le développement des télécommunications au Maroc appelait ainsi au passage à une transmission plus efficace, à l’aide du numérique.
Entretemps, le ministère des PTT, devenu en 1984 l’Office National des Postes et Télécommunications (ONPT), avait introduit la télécopie, ou fax, en juillet 1983, qui connut un grand succès dans le Royaume. En 1987 était lancé au Maroc le service de radio téléphonie mobile NMT (Nordic Mobile Telephone) sur la bande de 450 Mhz, précurseur de la téléphonie mobile.
Durant cette période, le monde avait commencé à utiliser les câbles à fibres optiques, qui sont composés de conduits très fins à travers lesquels on transporte l’information sous forme de très courtes impulsions lumineuses. Au Maroc, le premier câble à fibres optiques a été installé entre Rabat et Casablanca via Mohammedia en 1989. C’est en 1992 que le premier câble sous-marin du genre fut posé reliant le Maroc au Portugal et à la France, d’une capacité de 2630 circuits. Le dernier en date, qui relie Asilah à Rota-Séville en Espagne, d’une capacité initiale de 80 gigabits par seconde, fut posé en 2012.
Du GSM à la 4G
Le début des années 1990 marque la naissance d’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui : le WEB, un ensemble de ‘pages’ en HTML mélangeant du texte, des liens, des images, adressables via une URL et accessibles via le protocole HTTP. La diffusion d’Internet au Maroc a commencé par l’introduction au début des années 1990 des premiers services de transmission de données. Le premier, Maghripac, est un réseau spécialisé de transmission de données utilisant la technique de la commutation par paquets. Il fut introduit en 1991 et dessert tout le Royaume en accès direct et indirect. Le réseau numérique à intégration de services MARNIS, marque l’aboutissement de la numérisation du réseau téléphonique et de l’intégration progressive de fonctions fournies précédemment par des réseaux spécialisés. La première connexion avec l’Internet à partir du Maroc a été inaugurée le 15 novembre 1995.Les premiers services offerts étaient l’e-mail, transfert de fichiers (FTP), travail à distance (TELNET), groupes de discussion (USENET).
A côté de cela, en avril 1994, Itissalat Al-Maghrib a introduit le service de la téléphonie mobile GSM (Global System for Mobile) sur la bande de 900Mhz. En 1998, ce réseau comptait déjà 1,8 millions d’abonnés.
Les années 2000 ont été marquées par une progression fulgurante de la pénétration de la téléphonie mobile et d’internet au Maroc. La fin du monopole de l’Etat a permis l’apparition d’opérateurs concurrents, et pour conquérir des Marocains friands de nouvelles technologies, ces réseaux se sont rapidement développés au Maroc : de l’ADSL à la fibre optique, et du GSM au réseau 4G, les technologies des télécommunications ont séduit une très grande partie de la population du pays. Les chiffres parlement d’eux-mêmes : le parc internet s’est établi à plus de 17 millions d’abonnés à fin 2016, et le mobile affiche un taux de pénétration de 123%, 1 Marocain sur 3 possédant un smartphone !
Les télécommunications font ainsi partie intégrante de l’histoire post-coloniale du Maroc, mais aussi de la vie de tous les Marocains. Feu le Roi Mohammed V se doutait-il que le ministère des PTT allait ainsi devenir un géant africain des télécommunications, connectant des millions de clients à travers le continent ?
Selim Benabdelkhalek