Un soldat turc devant le tribunal de Silivri, près d'Istanbul, le 9 octobre 2017 © AFP OZAN KOSE
Le procès de 143 anciens militaires turcs, qui risquent la prison à vie pour leur implication dans des affrontements ayant fait plusieurs dizaines de morts sur un pont d’Istanbul lors du putsch avorté de juillet 2016, s’est ouvert lundi.
Les suspects, parmi lesquels 30 officiers, sont notamment poursuivis pour assassinat et tentative de renversement du parlement et du gouvernement, selon l’acte d’accusation de plus de 1.000 pages.
Tous sauf huit sont actuellement en détention préventive et risquent chacun jusqu’à 37 peines de prison à perpétuité.
L’un des épisodes les plus marquants du putsch manqué du 15 juillet 2016 s’est joué lorsque des militaires factieux ont fait feu sur des civils sur l’un des ponts qui enjambent le Bosphore, rebaptisé depuis le « pont des martyrs du 15 juillet ».
Sept putschistes et 34 civils sont décédés dans les affrontements qui y ont eu lieu, selon l’acte d’accusation. Parmi les victimes, figurent Erol Olçok, directeur de campagne du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan, et son fils de 16 ans, nommé Abdullah Tayyip, en hommage au président turc et à son prédécesseur, Abdullah Gül.
Lors de l’enterrement de son « vieil ami » Erol Olçok et de son fils, M. Erdogan n’avait pu retenir ses larmes.
Des proches des victimes mais aussi des prévenus se sont rassemblés dans la matinée devant le tribunal de Silivri, à la lisière d’Istanbul, avant l’ouverture du procès.
Certains portaient des t-shirt avec des inscriptions réclamant pour les accusés la peine de mort, abolie en 2004 mais dont M. Erdogan a évoqué à plusieurs reprises le rétablissement depuis le putsch manqué.
De nombreux civils s’étaient précipités sur le pont la nuit de la tentative de coup d’Etat, répondant à l’appel adressé par M. Erdogan aux Turcs de confronter les putschistes.
« J’étais sur le pont avec mon père quand on nous a tiré dessus. Nous avons été tous les deux blessés par la même balle qui a pénétré dans mon bras avant de se loger dans celui de mon père », raconte à l’AFP devant le tribunal Fatmanur Goksu, une jeune femmes de 24 ans, le visage encadré par un voile.
– Des cadets ‘trompés’?
Veycel Kilic, un homme âgé dont le fils, un ancien cadet de l’académie de l’armée de l’air fait partie des accusés, ne se fait pas d’illusion sur le sort qui l’attend.
« Le système judiciaire n’est pas sain donc je n’ai pas d’espoir », dit-il.
Il affirme que son fils avait été « trompé » la nuit du coup par ses supérieurs qui avaient envoyé les cadets de l’académie sur le pont en leur faisant croire qu’il s’agissait d’un exercice impromptu.
« Ces gamins sont restés neutres. S’ils avaient pris partie, des milliers de personnes auraient été tués et le sang aurait coulé dans le Bosphore comme un fleuve », affirme-t-il.
Le 16 juillet 2016 au petit matin, les dizaines de soldats qui se trouvaient sur le pont s’étaient rendus, déposant leurs armes sur le pont, signe de l’échec imminent des putschistes.
Ankara attribue cette tentative de putsch au prédicateur Fethullah Gülen, un ancien allié du président Erdogan dont il est devenu la bête noire à partir de 2013. M. Gülen, installé aux Etats-Unis, nie toute implication.
Après la tentative de putsch, les autorités turques ont lancé une riposte implacable contre les partisans présumés du prédicateur avec des purges d’une ampleur sans précédent.
Depuis juillet 2016, quelque 50.000 personnes ont ainsi été arrêtées et plus de 140.000 limogées ou suspendues.
Au cours d’un des nombreux procès visant des putschistes présumés, un tribunal turc a condamné mercredi à la prison à vie 40 personnes reconnues coupables d’avoir tenté d’assassiner le président Erdogan la nuit du 15 au 16 juillet 2016.
Ces purges ont suscité l’inquiétude de pays occidentaux et de défenseurs des droits de l’Homme qui accusent le gouvernement turc de profiter de l’état d’urgence en vigueur depuis plus d’un an pour étouffer toute voix critique dans le pays.
LNT avec Afp