Banco Sabadell, deuxième banque catalane, la plus touchée avec un effondrement de son cours de près de 6%, prévoit un éventuel départ de son siège social de Catalogne © AFP PIERRE-PHILIPPE MARCOU
L’Espagne était dans une impasse totale jeudi, en l’absence de dialogue entre les séparatistes catalans et le gouvernement, à quelques jours d’une possible déclaration d’indépendance qui inquiète les milieux économiques.
Les risques pour l’économie espagnole en pleine croissance étaient à la Une de tous les quotidiens jeudi, au lendemain de la plus forte chute de la Bourse espagnole depuis le Brexit, entraînée par l’incertitude autour de la « crise catalane ».
Banco Sabadell, deuxième banque catalane, la plus touchée avec un effondrement de son cours de près de 6%, a décidé de réagir sans tarder: son conseil d’administration avait prévu jeudi de débattre d’un éventuel départ de son siège social de Catalogne, selon un porte-parole de cette banque.
Et selon le quotidien de centre-droit El Mundo, la première banque catalane, CaixaBank, envisage aussi de déménager aux Baléares.
Ces deux banques, si elles restaient dans une Catalogne indépendante, seraient exclues de la zone euro.
C’est la dernière conséquence de la spirale déclenchée par la tenue dimanche en Catalogne, région grande comme la Belgique, d’un référendum d’autodétermination interdit par la justice, la crise politique la plus grave vécue par l’Espagne depuis son retour à la démocratie en 1977.
Selon le gouvernement séparatiste de Carles Puigdemont, qui n’a pas encore publié des résultats définitifs du scrutin, le « oui » à l’indépendance l’a emporté avec près de 90% des suffrages et un taux de participation autour de 42%.
Et bien que le scrutin ne soit assorti d’aucune des garanties censées entourer ce type de consultation, il est décidé à aller de l’avant dès lundi, avec l’accord du parlement catalan, si Madrid n’accepte pas de négocier le principe d’un référendum légal.
Malgré un appel au dialogue de la Commission européenne, Carles Puigdemont a surenchéri mercredi soir dans son duel avec Madrid, adressant un message au roi Felipe VI, qui avait accusé les autorités catalanes de manifester une « déloyauté inadmissible ».
Dans une allocution télévisée, M. Puigdemont a estimé que le souverain avait « délibérément ignoré des millions de Catalans » scandalisés par les violences policières ayant émaillé le référendum interdit, suivi de manifestations massives et d’une grève générale mardi.
Soufflant le chaud et le froid, M. Puigdemont a insisté sur son souhait d’une médiation pour résoudre la crise mais il a aussi souligné que ses partisans étaient plus près « de leur désir historique »: l’indépendance.
La réponse de Madrid a été une fin de non recevoir.
« Si M. Puigdemont veut parler ou négocier, ou envoyer des médiateurs, il sait parfaitement ce qu’il doit faire auparavant : se remettre dans le chemin de la loi, qu’il n’aurait jamais dû quitter », a réagi le gouvernement dans un communiqué.
« Ce n’est pas une question de médiation ou d’arbitrage, il s’agit de faire respecter la loi », a martelé le ministre de l’Economie jeudi, dans un entretien avec l’agence Bloomberg.
– Inquiétude –
S’il déclarait l’indépendance la réponse du gouvernement pourrait être musclée, allant jusqu’à une suspension de son autonomie pour prendre directement les rênes de la région, une mesure qui serait sans précédent dans cette démocratie très décentralisée.
Mais, a rétorqué jeudi la présidente séparatiste du Parlement catalan Carme Forcadell, « cela ne ferait qu’élargir le soutien aux indépendantistes », en braquant la population qui tient à cette autonomie.
C’est cet horizon bouché qui a fait dévisser le cours en bourse des grandes banques catalanes mercredi.
Partout, le spectre de déménagements d’entreprises plane, alors qu’Oryzon, une petite entreprise catalane de biotechnologies, a annoncé mardi son départ de Barcelone pour Madrid.
La presse espagnole mettait à la Une l’inquiétude économique, notamment El Pais.
« Toute l’Espagne commence à souffrir de l’effet +Puigdemont+, c’est un effet destructeur sur l’économie », s’est alarmé jeudi Esteban Gonzalez Pons, eurodéputé espagnol conservateur, vice-président du groupe du Parti populaire au Parlement européen.
Ces derniers jours, de grands patrons catalans tout comme le patronat national CEOE ont aussi fait part de leur « préoccupation maximale » devant une éventuelle déclaration d’indépendance.
Tout en condamnant la violence lors du référendum de dimanche, le Cercle d’Economia, un important lobby patronal de la région, a estimé qu' »une telle déclaration plongerait le pays dans une situation extrêmement complexe, aux conséquences inconnues, mais dans tous les cas très graves ».
LNT avec AFP