Manifestation en faveur de l'indépendance de la Catalogne, le 2 octobre 2017 à Barcelone © AFP PIERRE-PHILIPPE MARCOU
La Catalogne est en grève mardi, du FC Barcelone à la célèbre Sagrada Familia, pour défendre ses « droits » et dénoncer les violences policières en marge du référendum interdit sur l’indépendance dimanche, alors que le fossé semble se creuser de plus en plus avec Madrid.
La grève doit notamment toucher le port de Barcelone, les universités publiques, les transports, le Musée d’art contemporain (MACBA), l’Opéra ou la cathédrale de la Sagrada Familia. Le Barça suivra aussi le mouvement: ni les équipes professionnelles ni celles des jeunes ne s’entraîneront mardi.
La Catalogne, une région grande comme la Belgique où vivent 16% des Espagnols, fournit un cinquième de la richesse du pays. La semaine dernière, la Banque d’Espagne avait mis en garde contre les « risques » pour la croissance économique que représentent les « tensions politiques » dans cette région.
La grève avait dans un premier temps été convoquée par des syndicats minoritaires. Mais, après les brutalités et les violences ayant amené dimanche plus de 800 personnes à solliciter une assistance médicale, les syndicats majoritaires dans la région ont décidé d’y adhérer.
Les associations et partis indépendantistes, qui ont une importante capacité de mobilisation, ont également rallié le mouvement. Les organisateurs veulent en faire une démonstration « de paix »
« Je suis convaincu que cette grève sera très suivie », a déclaré le président de la région Carles Puigdemont, qui cherche aussi à montrer par ce biais que toute la société le soutient dans son bras de fer pour obtenir de Madrid, au minimum un référendum d’autodétermination.
Les dirigeants catalans sont allés jusqu’à annoncer qu’ils envisageaient sérieusement de déclarer l’indépendance une fois confirmée la victoire du « oui », à 90% selon des résultats non définitifs. Le scrutin a ouvert la crise politique la plus profonde que l’Espagne a connue depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays en 1977.
– « médiation internationale » –
Cette grève intervient alors que l’agitation sociale a grandi ces dernières semaines en Catalogne.
Après des arrestations et perquisitions visant l’organisation du référendum à la mi-septembre, les associations indépendantistes avaient promis « une mobilisation permanente » de la société contre ce qu’ils qualifient de « manque de respect » et « d’humiliations » permanentes de Madrid.
Sourd à ces critiques, le gouvernement conservateur crie pour sa part « à la manipulation » des masses.
Le message est aussi adressé à la communauté internationale, lui demandant d’aider la région « à garantir les droits » des citoyens de Catalogne. Carles Puigdemont a d’ailleurs souhaité lundi une « médiation internationale » dans le conflit qui l’oppose à Madrid.
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy est resté silencieux. Il s’est réuni lundi avec les leaders du parti socialiste et de Ciudadanos (centre, opposé à l’indépendance) pour étudier « le grave défi posé » par cette crise.
Depuis 2010, l’indépendantisme gagne du terrain en Catalogne, alimenté par la crise et l’annulation partielle par la Cour constitutionnelle d’un statut qui lui conférait des compétences plus larges. Et depuis 2012, de plus en plus de Catalans réclament à Madrid un référendum d’autodétermination pour trancher le débat, même s’ils sont divisés à parts presque égales sur l’indépendance.
Mais le gouvernement ne veut pas en entendre parler, soulignant que l’option n’est pas prévue dans la Constitution. Lundi, M. Rajoy a été pressé par l’Union européenne de dialoguer.
L’ONU a souhaité une enquête sur les violences tandis que Berlin et Paris exprimaient leur soutien à une Espagne unie. Et le Parlement européen a annoncé qu’il débattra en urgence mercredi de la situation en Catalogne.
Mais dans le pays un fossé semble se creuser de plus en plus profondément, dépassant le cadre politique. A Barcelone lundi, 200 gardes civils ont dû quitter leur hôtel, après un rassemblement nocturne de manifestants devant l’établissement qui ont proféré des cris et des insultes et lancé des bouteilles.
A Madrid le footballeur barcelonais Gerald Piqué a été hué par le public au premier jour du rassemblement de la sélection espagnole, dans laquelle il évolue depuis bien des années. « Piqué, bâtard, l’Espagne est ton pays », ont crié certains spectateurs. Ses larmes ont fait le tour du monde.
LNT avec AFP