Un immeuble détruit par un séisme, le 28 septembre 2017 à Mexico © AFP PEDRO PARDO
Des soupçons de corruption, de manquements aux normes de construction, de négligences: le Mexique est encore en train d’évacuer les décombres du séisme du 19 septembre que déjà les autorités sont montrées du doigt par la population.
L’un des cas qui a le plus ému les habitants est celui de l’école Enrique Rebsamen à Mexico où ont péri 19 enfants et sept adultes, ensevelis sous les débris d’un édifice dont la sécurité est désormais mise en doute.
Selon Claudia Sheinbaum, maire du quartier où se trouvait l’établissement, ce dernier avait été déclaré « structurellement sûr » en 2014.
Mais elle a précisé que cette certification officielle, valable cinq ans, avait été attribuée par la mairie de la capitale… qui rejette toute responsabilité.
Francisco Fontana, historien de 30 ans et habitant du quartier, raconte pourtant à l’AFP que l’un des bâtiments de l’établissement avait dû être fermé dès son inauguration, par mesure de sécurité.
« On ne sait pas s’il y a eu des versements de pots-de-vin, mais rien n’a jamais été changé dans la structure » de l’édifice jugé défaillant, regrette-t-il.
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Dans le séisme qui a tué près de 350 personnes, 1.800 immeubles de la capitale ont subi des dégâts importants, dont, selon les médias locaux, au moins sept qui venaient tout juste d’être construits.
– ‘A la rue’ –
« Des milliers de familles se retrouvent à la rue car quelqu’un n’a pas supervisé (la construction) comme il le fallait ou s’est mis d’accord pour ne pas le faire, en échange d’argent », dénonce Max Kaiser, directeur anti-corruption de l’Institut mexicain pour la compétitivité (IMCO).
Pour Mariana Campos, experte du centre d’analyse politique México Evalua, la corruption, au moment de bâtir des immeubles, est un facteur-clé quand on cherche à expliquer comment des édifices qui paraissaient résistants se sont effondrés comme des châteaux de cartes.
Elle cite l’exemple de l’immeuble de bureaux de sept étages réduit en miettes dans le quartier branché de Roma: c’est là que le plus grand nombre de victimes – peut-être une soixantaine – a été enregistré.
« En le voyant, il ne semblait pas du tout un immeuble prêt à s’effondrer le lendemain. Il faisait joli, bien entretenu. Mais c’est que (les défaillances de construction) ne se voient pas à l’oeil nu et cela facilite la corruption », explique-t-elle à l’AFP.
Alors que sonne l’heure de la reconstruction, le danger est de retomber dans les mêmes travers.
Cette étape implique « des défis gigantesques en termes de risque de corruption », prévient Max Kaiser.
D’ores et déjà, le gouverneur de l’Etat de Morelos (centre), le deuxième plus touché par le séisme, a été accusé par les médias locaux de détourner l’aide à des fins clientélistes.
– Un Etat plus présent –
Au total, 37 milliards de pesos (environ deux milliards de dollars) seront destinés à la reconstruction, selon les chiffres préliminaires annoncés par le président Enrique Peña Nieto, qui incluent aussi les dégâts du séisme du 7 septembre dans les Etats du Chiapas et d’Oaxaca (sud).
L’ampleur de la somme incite les experts à plaider pour un accompagnement des travaux par la justice et pour une politique transparente en termes de prise de décision et d’affectation des fonds.
Le président a déjà appelé le secteur privé à constituer un comité de coordination pour optimiser l’utilisation de l’aide.
« Nous ne pensons pas que le gouvernement fédéral doive administrer des fonds privés (…) mais nous voulons orienter la façon de les utiliser », a-t-il indiqué.
Car, contrairement au grand séisme de 1985, qui avait dévasté la capitale et tué plus de 10.000 personnes, l’Etat mexicain s’est cette fois montré plus présent, aux côtés des milliers de volontaires qui ont aidé les secouristes.
La tragédie a ainsi montré que le pays compte désormais des institutions solides comme l’armée, la police et la protection civile.
Pour M. Kaiser, ceux qui ne se rendaient pas bien compte du rôle de l’Etat ont reçu cette fois une leçon « très pédagogique » sur la nécessité de le préserver: « Les institutions ne sont pas à jeter, mais un politicien inutile, qui ne sert à rien, oui, on peut le jeter à la poubelle ».
LNT avec Afp