Le président français Emmanuel Macron, le 26 septembre 2017 à Paris © POOL/AFP ludovic MARIN
L’ambitieux discours du président français Emmanuel Macron sur l’avenir de l’Europe constituera le mets principal d’un dîner entre dirigeants européens jeudi soir à Tallinn, à la veille d’un sommet consacré au numérique.
« Regardez notre époque, regardez-la en face et vous verrez que vous n’avez pas le choix », a lancé le Français mardi à ses pairs, à l’issue d’un plaidoyer de plus d’une heure et demie en faveur d’une Europe « à plusieurs vitesses », autour d’un couple franco-allemand consolidé.
M. Macron sera le premier à prendre la parole au cours de ce dîner de trois heures, organisé au château de Kadriorg, une ancienne résidence d’été des tsars russes devenue un musée.
« Son discours constituera ensuite le point de référence pour les contributions des autres », précise un diplomate européen.
Le président français se sera auparavant entretenu en tête à tête avec la chancelière allemande Angela Merkel, en début de soirée, pour discuter des propositions françaises de refonte de l’Union européenne. Une rencontre bilatérale qui n’était pas prévue initialement.
Aux côtés de M. Macron lors du dîner, l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, à l’exception de l’Espagnol Mariano Rajoy qui juge « préférable » de rester à Madrid à trois jours d’un référendum interdit sur l’indépendance de la Catalogne.
– Couple franco-allemand –
« Afin d’assurer un échange ouvert, franc et informel (…) aucun texte ne sera présenté et nos discussions ne donneront pas lieu à des conclusions écrites », a prévenu Donald Tusk, le président du Conseil européen, qui représente les 28 Etats membres.
« Tous les ingrédients sont là pour une vraie discussion », a promis mercredi Margaritis Schinas, le porte-parole de la Commission européenne, qui a salué « les propositions visionnaires et détaillées » du chef de l’Etat français.
Parmi ses nombreuses suggestions: la création d’un gouvernement économique de la zone euro, avec un ministre et un budget propres, contrôlés par un Parlement de la zone euro, ou encore une force commune d’intervention européenne pour 2020.
La chancelière Merkel, à qui Emmanuel Macron a proposé « un partenariat nouveau », est particulièrement attendue sur ces questions.
Plutôt ouverte à « la passion européenne » du Français, sa victoire étriquée aux législatives dimanche la contraint à conclure un accord de gouvernement avec les Libéraux du FDP, opposés eux aux idées de Paris sur la zone euro.
« Il est trop tôt » pour évaluer les propositions françaises dans le détail, a temporisé mercredi un porte-parole de la chancellerie.
La vision française d’une Europe « à plusieurs vitesses » semble par ailleurs en décalage avec celle du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, plutôt favorable à une Europe soudée, telle qu’il l’a défendue dans son discours-programme sur l’état de l’Union, mi-septembre.
« C’est vrai que je ne pense pas exactement comme M. Macron. Ma préférence, ce sont 27 Etats membres qui agissent ensemble et qui avancent ensemble », plaidait M. Juncker la semaine passée.
Avant de nuancer: « Mais quand ce n’est pas possible, une Europe à plusieurs vitesses vaut mieux que le surplace.
– Sommet numérique –
La Première ministre britannique Theresa May participera elle aussi au dîner, quelques heures à peine après la conclusion d’un nouveau cycle de négociations sur le Brexit à Bruxelles.
Lors de récents sommets informels sur l’avenir de l’UE en Slovaquie, à Malte et en Italie, le Royaume-Uni n’avait pas été convié.
Mme May a plaidé la semaine dernière en Italie en faveur d’un Brexit « soft », s’engageant à « honorer » les engagements financiers pris par son pays en tant que membre de l’UE, dans une tentative de relancer des négociations compliquées et laborieuses.
Au milieu de cette actualité dense, l’Estonie, qui assure la présidence tournante de l’UE pour six mois, pourrait peiner à faire exister la dimension « numérique » de son sommet vendredi, son thème de prédilection.
« Les dirigeants sont libres de parler de ce qu’ils veulent. Mais d’une certaine manière, le fait qu’un tel sommet se tienne est déjà un succès », relativise une source au Conseil.
Parmi les sujets en discussion: la cybersécurité ou la libre-circulation des données, que ce petit pays balte à l’avant-garde sur le numérique considère comme une priorité pour l’UE.
La discussion portera aussi sur une proposition française — défendue mardi par Emmanuel Macron — visant à taxer les géants du numérique, comme Apple ou Google, sur le chiffre d’affaires généré dans chaque pays européen plutôt que sur les bénéfices, afin de lutter contre l’optimisation fiscale.
LNT avec Afp