Des membres des forces démocratiques syriennes à Raqa, en Syrie, le 24 septembre 2017 © AFP BULENT KILIC
Cela faisait trois ans que le combattant syrien Sevger Himo attendait la fin du groupe Etat islamique (EI) dans son pays. Aujourd’hui, il est aux premières loges de la bataille pour Raqa, « capitale » de l’organisation en Syrie.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants arabes et kurdes soutenue par Washington, pourchassent les derniers jihadistes dans cette ville du nord syrien ravagée par les combats, dont la chute serait une victoire symbolique et retentissante contre l’EI.
Des quartiers entiers de cette cité bordée par le fleuve Euphrate ont été réduits en un amas de ruines. Parfois, apparaît la carcasse d’un réfrigérateur ou une bouilloire, signes dérisoires que quelqu’un a un jour vécu là, a constaté une journaliste de l’AFP emmenée par les FDS.
« Quand on combattait l’EI à Kobané il y a trois ans, on évoquait toujours Raqa comme la capitale du califat' », raconte Sevger, un commandant des Unités de protection du peuple kurde (YPG), qui dominent les FDS. La localité de Kobané, dans le nord de la Syrie, fut le théâtre d’une des premières batailles contre l’EI.
« Maintenant nous sommes dans le centre de Raqa et le sentiment est complètement différent », poursuit-il, incrédule.
Assis jambes croisées sur le toit d’un immeuble en partie détruit, dans le quartier de Rmeila dans l’est de Raqa, Sevger soutient que la fin de cette guerre lui tient à coeur.
Aux côtés d’autres combattants des YPG, il avait déjà affronté l’EI fin 2014 à Kobané, une ville stratégique près de la frontière avec la Turquie, puis à Minbej plus au sud.
A cette époque, Raqa évoquait pour eux le bastion ultime de l’EI. « On avait l’habitude de se dire ‘l’EI a envoyé des renforts, du soutien et des équipements de Raqa' », se souvient ce commandant.
Après s’être emparé de Raqa en 2014, le groupe ultraradical a transformé la ville de 300.000 habitants en un laboratoire de l’horreur, utilisant notamment les places publiques pour châtier les habitants qui enfreignent sa loi par des décapitations et des flagellations.
– ‘L’EI s’est effondré’ –
Soutenues par les frappes des avions de la coalition antijihadistes emmenée par les Etats-Unis, les FDS ont lancé fin 2016 leur offensive dans la province du même nom et sont parvenues en juin à briser le verrou de la cité.
Au bord d’une grande artère de la ville gît le corps sans tête d’un combattant présumé de l’EI.
« L’EI s’est effondré. Dans chacune de nos batailles (contre les jihadistes), nous avons acquis de l’expérience », commente le commandant, entre deux ordres lancés à ses troupes par talkie-walkie.
Il a perdu des compagnons d’armes dans la bataille et n’attend plus qu’une chose: proclamer la victoire à Raqa.
« Nous le devons à ceux qui sont morts ou ont été blessés », dit-il.
A ses côtés, un autre commandant, Abdallah, acquiesce.
« Nous voulons libérer nos amis et familles de cette souillure noire. J’ai vécu sous l’EI, j’ai été emprisonné, accusé d’être un espion et fouetté devant la mosquée », se rappelle-t-il.
Ce cinquantenaire à la silhouette fine a rejoint les FDS en mars après qu’elles aient chassé l’EI de son village de Karama, à environ 100 km au sud-est de Raqa.
« Nous avançons et il n’y a plus de recul possible. Ils ont essayé d’utiliser la religion comme bouclier mais cela ne marchera pas », ajoute-t-il.
– ‘Vous verrez la joie’ –
Dimanche, ses unités ont progressé dans une zone minée par les jihadistes autour d’un cimetière dans le centre-ville.
Abdallah et Sevger veulent prendre al-Naïm, un grand carrefour plus à l’ouest à la portée fort symbolique: c’est là que les jihadistes menaient les exécutions publiques.
« On fait la course! Celui qui arrivera là-bas le premier pourra y planter le drapeau », s’exclame Abdallah tout sourire, révélant ses dents blanches sous sa moustache noire.
« J’espère que dans les jours à venir, vous verrez la joie, les chansons. Ce sera un bonheur indescriptible ».
Plus loin, dans une rue jonchée de gravats, des combattants se préparent à une nouvelle avancée contre des positions de l’EI autour du cimetière.
« On espère que Raqa sera libérée dans quelques jours. La prochaine phase sera difficile, mais notre moral est excellent », affirme l’un d’eux, Abou Abdo al-Cheikh.
« Je n’ai pas combattu pendant six ans pour rentrer chez moi maintenant! », clame-t-il.
LNT avec Afp