M. Jorge Borrego, Secrétaire général adjoint pour l’énergie et l’action pour le climat au Secrétariat général de l’Union pour la Méditerranée. Il est intervenu à l’occasion de la 2ème édition du sommet “Climate Chance” à Agadir pour présenter les initiatives de l´UpM pour lutter contre le changement climatique, notamment les infrastructures pour le climat, et en particulier leur financement, avec un focus sur le rôle de la jeunesse et des acteurs non gouvernementaux dans la lutte pour le climat. Afin d’éclairer nos lecteurs sur l’état des lieux de l’action climatique en Méditerranée, M. Borrego a bien voulu répondre à nos questions.
La Nouvelle Tribune : Quels sont les objectifs du sommet Climate Chance tenu à Agadir ? Qu’espérez-vous en voir émerger ?
M. Jorge Borrego : Cette seconde édition du Sommet Climate Chance à Agadir permettra de mesurer les progrès de l’action, d’approfondir les échanges sur les réussites comme sur les difficultés, et de favoriser la mutualisation des expériences et des innovations. Ce sera aussi l’occasion de renforcer le dialogue entre les acteurs non-étatiques (collectivités territoriales, entreprises, associations, syndicats, fédérations professionnelles, organisations non-gouvernementales, organismes de recherche, bailleurs, etc.) au niveau international, mais aussi au niveau des problématiques locales, et de permettre une meilleure articulation entre les questions territoriales et les enjeux globaux.
L’Union pour la Méditerranée est heureuse de voir qu’un événement comme celui-là réunit tant d’acteurs de la société civile, et qu’il est aussi l’occasion de renforcer nos synergies aux niveaux local et régional. L’Union pour la Méditerranée se doit de penser l’action régionale, mais construire des relations autour de l’action pour le climat avec les différentes composantes de la société civile permet de voir ses objectifs de développement durable se concrétiser sur le terrain, au niveau local. Dans les différentes sphères de l’action pour le climat, nous encourageons, en tant que Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée, les acteurs de la société civile à prendre part à une réflexion collective tout en s’unissant autour de défis communs, non seulement dans une optique de dialogue, mais aussi avec la ferme conviction d’implémenter des projets et des initiatives concrets à effets tangibles sur la région.
Bientôt un an après la COP 22, quelles avancées ont été réalisées dans l’action climatique au niveau du bassin méditerranéen ?
Dès mai 2014, à Athènes, les 43 Ministres de l’UpM en charge du changement ont adopté une déclaration commune faisant de la lutte contre le changement climatique une priorité, et instituant une plateforme de dialogue régional permanent. Il est important de souligner que cet engagement a eu lieu plus d’un an avant la signature de l’Accord de Paris et deux ans avant la COP de Marrakech. Cet Accord est donc le résultat d’une vision stratégique de long terme partagée par tous les pays membres de l’UpM. Au niveau du bassin méditerranéen, la conscience de l’enjeu du changement climatique nous pousse à agir, ensemble, dans une continuité. Des exemples concrets :
– Au cours de la COP22, tenue à Marrakech, l’Union pour la Méditerranée et la Commission européenne ont lancé la plateforme de l’UpM portant sur l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique (EREE) pour promouvoir le déploiement progressif de mesures en termes d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique afin de favoriser le développement socio-économique dans la région euro-méditerranéenne. Cette initiative fait suite au lancement de la plateforme de l’UpM portant sur le marché régional de l’électricité et de la plateforme de l’UpM portant sur le gaz. Le 1er décembre 2016 à Rome, les ministres de l’Énergie de l’UpM se sont réunis afin de renforcer le cadre régional euro-méditerranéen sur l’énergie.
– En outre, l’UpM et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ont lancé le projet innovant « Cadre des énergies renouvelables privées – Région SEMed (SPREF) ». Le projet SPREF est un programme de financement s’élevant à 227,5 millions d’euros qui mobilisera davantage d’investissements de la part d’autres parties pouvant atteindre 834 millions d’euros. Son but est de stimuler le développement des marchés privés des énergies renouvelables au Maroc, en Tunisie, en Égypte et en Jordanie.
Quels sont les différents canaux de financement climatique en Méditerranée ? Comment ce financement est-il octroyé ?
Dans la région méditerranéenne, l’Union pour la Méditerranée est en train de mener une étude sur la finance climat. Cette étude, première en son genre pour cette région, a pour objectif de dresser l’état des lieux précis du financement climatique institutionnel. L’étude, financée par la Commission Européenne, est en cours de finalisation et sera présentée lors de la COP23 à Bonn. Toutefois, nous pouvons d’ores et déjà constater une croissance des flux financiers provenant d’acteurs privés.
La récente participation de l’Union pour la Méditerranée, en tant que co-organisateur du 2017 UNFCCC Forum of the Standing Committee on Finance qui a eu lieu à Rabat, sous la présidence marocaine de la COP22, les 6 et 7 septembre, démontre l’engagement que l’UpM entretient envers le financement des infrastructures résilientes aux effets climatiques. La présence de l’UpM à ce forum international prouve la volonté d’inscrire l’agenda méditerranéen au niveau global.
Comment jugeriez-vous l’implication du secteur privé ? Ses investissements sont-ils seulement basés sur la rentabilité du renouvelable, ou bien existe-t-il une réelle prise de conscience ?
L’implication du secteur privé est fortement encouragée par l’Union pour la Méditerranée. Dans ce sens, le 18 octobre se tiendra, au Caire, le premier Business Forum UpM dédié à l’énergie et au climat en Méditerranée, qui réunira les acteurs majeurs de la transition énergétique, tant institutionnels (secteur public, bailleurs de fonds internationaux, agences nationales de régulation, etc.) que privés. Cet événement servira de plateforme pour rapprocher les décideurs du domaine, en vue de renforcer les synergies dans le domaine de l’action pour le climat.
La prise de conscience du secteur privé est double. La rentabilité des énergies renouvelables couplée au besoin d’assurer le développement durable de la région méditerranéenne, ainsi que des générations futures, assurent un flux d’investissement croissant dans le domaine du changement climatique. L’action pour le climat est une source de croissance, mais aussi un moyen pour le secteur privé de montrer son engagement envers la société. Le changement climatique est une opportunité unique d’investissement dans la région.
Dans de nombreux pays, on constate que les acteurs non gouvernementaux sont nettement plus investis dans l’action climatique que les pays, aux Etats-Unis par exemple. Quelle est la situation en Méditerranée ? La lenteur des uns freine-t-elle l’implication des auteurs ?
Effectivement tous les acteurs ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Au sein de la région méditerranéenne, il faut souligner qu’aux acteurs traditionnels s’ajoute une jeunesse fortement engagée et impliquée. Le rôle des réseaux de jeunes dans le cadre de l’action pour le climat est fondamental, car ces-derniers sont formateurs et donnent de futurs leaders conscients des enjeux, et aptes à fournir des réponses à ces enjeux.
En 2016, le Secrétariat de l’Union pour la Méditerranée a co-organisé le Youth Mediterranean Climate Forum à Tanger dans le cadre de la MEDCOP qui a vu la participation d’un large éventail de composantes de la société civile, dont un nombre croissant d’initiatives de jeunes et de réseau d’acteurs de la société civile. L’UpM cherche à amplifier leur participation dans le chantier de l’action pour le climat, car la jeunesse est l’atout majeur pour la stabilité et le développement de la région euro-méditerranéenne.
Concrètement, l’UpM soutient le Mediterranean Youth Climate Network, réseau créé suite à la MEDCOP dans un élan de renforcement du rôle actif de la jeunesse.
Propos recueillis par Selim Benabdelkhalek