La sévère admonestation royale adressée au gouvernement au cours d’un Conseil des Ministres au dernier jour du mois de Ramadan n’a pas été sans déplaire à l’opinion publique. Le Roi Mohammed VI a ainsi montré qu’il était parfaitement au fait de la crise qui sévit à Al Hoceima et sa région depuis plusieurs semaines, et surtout, qu’il en connaissait les causes profondes.
Nos concitoyens ont également apprécié que le Chef de l’Etat ordonne des enquêtes approfondies pour déterminer les responsabilités dans le déclenchement de cette affaire, où le laxisme, l’indolence, la légèreté, l’absence de considération pour les instructions royales et les engagements solennels pris publiquement sont sans doute parmi les facteurs à l’origine de cette révolte d’une partie des habitants d’Al Hoceima et de ses environs.
Enfin, parce que les ministres concernés seront consignés à leurs postes pendant cet été et avec eux, sans doute, toute la haute nomenklatura de leurs département respectifs, les Marocaines et les Marocains ont eu le sentiment que « la plaisanterie » avait assez duré et que le Roi attendait désormais des résultats rapides et concrets après ce « remontage de bretelles » magistralement royal !
Clémence ou répression ?
Mais, en toute sincérité, cette réaction salutaire et nécessaire était-elle la seule attente de plusieurs secteurs, couches et franges de notre peuple alors que depuis fait le début du mois de Ramadan, les appels à la clémence, à la grâce, à la libération des personnes emprisonnées du fait des évènements d’Al Hoceima se sont multipliés ?
Il semble qu’aujourd’hui, les responsables soient « au milieu du gué ».
Alors que certains penchent pour la libération de tous les détenus, y compris les leaders du Hirak, d’autres redoutent que cette clémence ne soit comprise comme un aveu de faiblesse et, surtout, exploitée par Zefzafi et consorts pour aller encore plus loin dans leur entreprise de déstabilisation sociale et politique.
Au contraire de cette thèse « dure », les premiers estiment que la poursuite de la détention des manifestants et de leurs « encadreurs » ne fera qu’alimenter le mécontentement à Al Hoceima et transformera les détenus en martyrs de la répression, mais aussi héros et icônes de la contestation dans une partie du Rif.
La suite des évènements semblent leur donner raison et comme on le redoutait dans ces mêmes colonnes précédemment, (Cf. « Le Makhzen, Hirak et les raisins de la colère »), les revendications sociales et économiques ont largement laissé la place désormais à une seule exigence, qui nourrit les manifestations, celle de la liberté pour tous les détenus d’Al Hoceima.
Aujourd’hui, quelques jours après l’Aïd El Fitr, des esquisses de réponses se profilent et donnent à croire que l’Etat ne faiblira pas devant ces agissements qui, il faut le dire, sont à la fois circonscrits géographiquement et relativement faibles numériquement.
En effet, la journée de « deuil » décrétée par les membres du Hirak encore en liberté le jour de l’Aïd ,s’est transformée en échauffourées avec les forces de l’ordre. Coups et blessures ont été d’ailleurs, également partagés…
On devrait donc penser qu’après l’énoncé de la position royale, les forces de maintien de l’ordre ont reçu pour consigne celle de la tolérance zéro envers tout attroupement de protestataires dans les rues d’Al Hoceima.
Chaou, wanted !
La seconde expression de cette ligne est celle du rappel de l’Ambassadeur du Maroc à La Haye, motivé par le refus des autorités néerlandaises d’extrader vers son pays d’origine, le dénommé Saïd Chaou, trafiquant de drogue notoire, fondateur du mouvement « séparatiste » du 18 mars, mais aussi considéré comme le bailleur de fonds du Hirak et de Zefzafi en particulier.
A ce stade de la situation, impossible de dire vers quel côté va pencher la balance de la Justice alors que les leaders du Hirak sont dans l’attente de leur jugement.
On notera cependant que la conjoncture délétère qui touche Al Hoceima et ses environs commence à « intéresser » la presse internationale, au sein de laquelle le Royaume compte plus d’adversaires que d’amis…
Ce qui paraît quand même évident aujourd’hui, c’est que les appréhensions de certains milieux, (ou les souhaits, c’est selon), de voir cette contestation faire tâche d’huile sur tout le territoire national sont erronées, malgré les « efforts » de certaines chapelles islamistes et des derniers « mohicans » du paléo-marxisme.
Parce que les jeteurs de cailloux sont des jeunes révoltés mais sans conscience politique nette et affirmée et sans autre but que d’affronter les forces de l’ordre, on pourrait faire montre à leur endroit de clémence et de mansuétude, ce qui, peut-être, entraînerait une baisse de la tension dans les zones évoquées plus haut.
Quant aux autres, ceux qui ont préparé le mouvement, encadré Hirak, haussé au fil des jours leurs voix et revendications, un procès offrant toutes les garanties exigibles dans ce type de situation, permettrait sans doute de fixer exactement leurs objectifs et les éventuelles aides matérielles qu’ils auraient pu recevoir de l’étranger.
Quand la lumière sera faite et perçue comme telle par tous, alors il sera temps de dire le Droit !
Fahd YATA