Mardi 20 juin 2017, au siège de Bank Al-Maghrib s’est tenue la traditionnelle conférence de presse qui suit chaque réunion du Conseil de BAM. M. Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, y livre les conclusions de la banque centrale sur la situation économique marocaine, mais aussi mondiale, les perspectives à court et moyen termes, et la décision du conseil vis-à-vis du taux directeur.
Sur ce dernier point, après avoir analysé l’évolution de la conjoncture actuelle, le conseil de BAM a conclu que le taux directeur actuel de 2,25% reste approprié et a donc décidé de le maintenir.
2016, une année à oublier
L’économie mondiale s’inscrit, selon BAM, dans une phase de raffermissement qui devrait se poursuivre à moyen terme. Les Etats-Unis devraient atteindre 2,1% de croissance cette année, l’UE 1,8%, et une sortie de récession est attendue pour la Russie et le Brésil. La croissance chinoise devrait maintenir toutefois son ralentissement.
En ce qui concerne les matières premières, le pétrole devrait se maintenir autour de 50$/baril pour les deux prochaines années, sauf choc exogène majeur. Du côté du phosphate, si les cours du brut et du TSP continuent leur rase-motte, le prix du DAP a augmenté de 13% cette année, et devrait continuer son ascension jusqu’en 2018. Une bonne nouvelle pour le Royaume !
Du côté de l’économie marocaine, M. Jouahri a expliqué qu’il « faut oublier le millésime 2016 ». En effet, le HCP a indiqué le chiffre final d’une croissance à 1,2%, plombée par la sécheresse. Pour 2017, avec une récolte annoncée à 102 millions de quintaux, la valeur ajoutée céréalière croîtrait de 13,4% (contre -12,8% en 2016), avant de diminuer de -0,9% en 2018 en cas de récolte moyenne. Le PIB non agricole afficherait +3,3% cette année, et +3,6% en 2018, pour une croissance de 4,4% en 2017 et 3,1% en 2018. Bien évidemment, en ce qui concerne l’année prochaine, l’impact de la récolte céréalière sera capital et pourrait faire violemment fluctuer les chiffres.
Marché du travail : du mieux, mais à peine
Après les mauvais chiffres de 2016, l’économie nationale a créé 109 000 postes au premier trimestre, principalement dans les services (45 000) et l’agriculture (28 000). Par contre, la population active a enregistré un accroissement annuel net de 172 000 demandeurs d’emplois et le taux d’activité s’est quasiment stabilisé à 47,5%. Ainsi, le taux de chômage a augmenté de 0,3 point à 10,7% au niveau national et de 0,7 point à 15,7% en milieu urbain. Le chômage des jeunes a lui atteint les 41,5%. L’économie marocaine ne parvient toujours pas à absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail, même si la situation s’améliore quelque peu.
Les comptes extérieurs font grise mine
Au niveau des comptes extérieurs, le déficit commercial des biens s’est creusé en glissement annuel de 9,1 milliards de dirhams sur les cinq premiers mois de l’année, sous l’effet principalement d’une importante hausse de la facture énergétique et, dans une moindre mesure, de la poursuite du rythme élevé des acquisitions de biens d’équipement. Pour leur part, les recettes de voyages et les transferts des MRE se sont quasiment stabilisés, alors que les entrées au titre d’IDE ont affiché une progression de 4,2%.
En se basant sur ces évolutions, les prévisions du prix du pétrole et d’entrées de dons des partenaires du CCG de 8 milliards de dirhams annuellement, le déficit du compte courant devrait se creuser légèrement à 4,6% du PIB en 2017 avant de s’alléger à 4% en 2018. Dans ces conditions, et sur la base d’entrées d’IDE d’un montant équivalent à 3,2% du PIB en 2017 et à 3,5% en 2018, la prévision des réserves de change a été revue à la baisse. La très importante couverture de 6 mois d’importations de biens et services se maintiendrait au terme de 2017 et rester proche de ce niveau à fin 2018.
Stabilité du taux de change
Après leur baisse de 2016, les taux d’intérêt connaissent tous une hausse au premier trimestre 2017, avec une augmentation du taux débiteur moyen de 31 pbs, portée notamment par les crédits de trésorerie (+25 pbs) et à l’équipement (+35 pbs).
Sur le plan monétaire, le taux de change effectif réel s’est quasiment stabilisé au cours du premier trimestre et ne devrait pas connaître de variation importante à moyen terme.
Dans ce contexte, le crédit bancaire au secteur non financier a enregistré une augmentation de 3,2% à fin avril. Sa progression passerait de 3,9% en 2016 à 4,5% au terme de 2017 et à 5% à fin 2018.
Enfin, s’agissant des finances publiques, le déficit budgétaire s’est allégé de 9,9 milliards à fin avril par rapport à la même période de 2016, résultat principalement d’une hausse de 6,8 milliards du solde positif des comptes spéciaux du Trésor. Les dépenses globales ont connu un léger alourdissement de 0,4%, recouvrant en particulier un accroissement de la charge de compensation et une diminution de l’investissement du Trésor. En parallèle, les recettes ordinaires ont augmenté de 4,5%, résultat d’une amélioration des rentrées fiscales et d’une forte baisse de celles non fiscales, reflétant notamment une diminution des dons CCG de 1,6 milliard à 0,3 milliard de dirhams.
A moyen terme, l’ajustement budgétaire devrait se poursuivre, le déficit devant, selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, s’alléger à 3,6% du PIB au terme de 2017 et à 3,4% en 2018.
Selim Benabdelkhalek
Dévaluation du dirham, BASTA !
Comme à l’accoutumée, la première demi-heure de la séance de questions-réponses avec M. Jouahri a vu les journalistes revenir avec longueur et insistance sur la question de la flexibilisation du régime des changes, la crainte d’une dévaluation du dirham et les opérations de spéculation autour.
M.Jouahri, très irrité, a rappelé (pour la énième fois) que BAM mènera ce projet avec précaution, étape par étape, et que la banque centrale ne compte aucunement procéder à une dévaluation du dirham. Le Wali de BAM s’est emporté contre cette remise en cause permanente des engagements (et donc de la crédibilité) de la banque centrale et de sa propre personne, et a indiqué que BAM tiendra une conférence avant la fin du mois de juin pour lancer le programme du changement du régime des changes au Maroc.