Manifestation anti-Poutine rue TverskaÏa, en plein centre de Moscou, le 12 juin 2017 © AFP VASILY MAXIMOV
Les partisans de l’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, condamné dans la nuit à 30 jours de détention, passaient à leur tour mardi devant la justice au lendemain d’une journée de mobilisation contre Vladimir Poutine marquée par plus de 1.500 arrestations.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette journée de contestation: les « enfants » de Poutine, ces lycéens et étudiants n’ayant connu qu’un seul président de leur vie, ont confirmé leur mobilisation malgré les condamnations dont ils avaient fait l’objet lors de leur irruption en tête des manifestations du 26 mars.
Par ailleurs, la police a interpellé un plus grand nombre de personnes (1.500) que lors du précédent du 26 mars (1.000).
Toutefois, il est trop tôt pour dire si ces manifestations constituent un mouvement ancré et durable alors que l’immense majorité des Russes les snobe et considère Vladimir Poutine comme le garant de la stabilité.
Alexeï Navalny a été condamné à trente jours de détention – une sanction administrative – pour avoir appelé à des manifestations non autorisées qui ont mis dans la rue des milliers de Russes dans plusieurs villes du pays depuis Vladivostok, dans l’Extrême-Orient, à l’enclave de Kaliningrad sur la mer Baltique.
Arrêté dès la sortie de son immeuble à Moscou, le blogueur anti-corruption, qui espère défier Vladimir Poutine lors de la présidentielle de mars prochain, avait appelé ses partisans de la capitale à se rassembler sur la Tverskaïa, l’avenue la plus célèbre de Moscou et qui termine au pied du Kremlin.
Des milliers de personnes y avaient afflué, scandant « La Russie sans Poutine! » ou « Poutine voleur! » et submergeant les promeneurs venus assister à des reconstitutions médiévales en costumes à l’occasion de ce jour férié.
Les forces de l’ordre ont répliqué avec fermeté, dispersant la foule parfois à coups de matraques et embarquant les manifestants par cars entiers.
Selon l’ONG spécialisée OVD-Info, elles ont arrêté plus de 1.500 personnes à travers le pays, dont au moins 866 manifestants à Moscou et 600 à Saint-Pétersbourg (nord-ouest), selon des chiffres actualisés mardi matin.
Les procès des manifestants devraient commencer dès mardi. Ils risquent jusqu’à quinze jours de détention, une peine qui peut être alourdie s’ils sont reconnus coupables de violence contre les forces de l’ordre.
L’un des manifestants fait l’objet d’une enquête judiciaire pour avoir blessé un membre des forces de l’ordre avec du gaz lacrymogène, a annoncé dans un communiqué le Comité d’enquête.
– ‘Ni réussite, ni échec’ –
Après des manifestations déjà d’une ampleur inattendue le 26 mars, cette nouvelle mobilisation défie directement Vladimir Poutine à neuf mois de la présidentielle lors de laquelle il pourrait briguer un quatrième mandat. Elle intervient alors que le chef de l’Etat doit tenir jeudi son émission annuelle de questions-réponses avec les Russes.
La mairie de Moscou avait donné son feu vert à la tenue d’un rassemblement dans le nord-est de la capitale, mais Alexeï Navalny a décidé in extremis de le déplacer en centre-ville car, selon lui, les autorités empêchaient les prestataires de lui louer une scène et des équipements sonores.
« Il n’y avait que des gens pacifiques au rassemblement du 12 juin, mais les nerfs des autorités ont lâché, ils ne comprennent pas la situation, ils essaient d’effrayer les manifestants », a estimé le politologue Gleb Pavlovski, ancien conseiller en images du président, dans les pages du quotidien Vedomosti.
« Si l’action du 26 mars était une victoire de Navalny, celle du 12 juin n’a été ni une réussite ni un échec: il a montré que le conflit (entre anti et pro-Poutine) s’accentue mais il n’a pas réussi à mobiliser suffisamment », ajoute-t-il.
S’il y a eu davantage d’interpellations lundi que le 26 mars, il est plus difficile de se prononcer sur le nombre de personnes ayant répondu à l’appel de M. Navalny, les manifestants s’étant réunis dans une rue déjà noire de monde.
En revanche, l’irruption de très nombreux étudiants voire lycéens et collégiens, ayant connu Vladimir Poutine à la présidence toute leur vie, se confirme. Les peines et amendes auxquelles certains d’entre eux avaient été condamnés par la justice après le 26 mars n’ont pas semblé les décourager, tout comme les avertissements de leurs universités et écoles contre leur participation à l’action du 12 juin.
En parallèle de ces manifestations contre le Kremlin, le pouvoir doit aussi faire face à un mouvement de protestation à Moscou contre un grand plan d’urbanisme prévoyant la destruction des logements de centaines de milliers d’habitants de la capitale russe.
A l’international, les arrestations en masse ont suscité une vague d’indignation, la Maison Blanche réclamant la « libération immédiate » des manifestants.
LNT avec AFP