Le site industriel de Ras Laffan le 6 février 2017 © AFP/Archives KARIM JAAFAR
Le blocus diplomatique et économique du Qatar, décidé par l’Arabie saoudite et ses alliés, aura un sévère impact à court terme sur les importations de nourriture, mais les exportations de gaz et de pétrole du petit émirat ne devraient pas souffrir.
La rupture avec Doha coupe le seul accès terrestre pour le Qatar, menaçant ainsi ses importations de produits alimentaires frais et de matières premières nécessaires pour ses projets d’infrastructure de quelque 200 milliards de dollars liés au Mondial 2022 de football, selon des analystes.
Mais les exportations qataries de gaz naturel liquéfié (GNL) et de pétrole, qui procurent plus de 90% des revenus publics, resteront quasiment intactes.
« Environ 40% de l’approvisionnement alimentaire du Qatar transite par la frontière terrestre avec l’Arabie saoudite », selon une étude d’Anthony Skinner, directeur pour le Moyen-Orient de Verisk Maplecroft, un cabinet de conseil mondial en risques.
Désormais, les autorités qataries « dépendront de plus en plus du fret maritime et aérien, ce qui augmentera les coûts et l’inflation », explique M. Skinner.
L’impact a été immédiat puisque des habitants de Doha, paniqués, ont dès lundi pris d’assaut les supermarchés pour se faire des stocks en vivres malgré les assurances du gouvernement qu’il n’y aurait pas de pénurie.
L’alternative pour le Qatar est d’importer des vivres d’Iran ou d’Oman par voie maritime, et par avion depuis la Turquie, l’Europe et l’Asie du Sud-Est.
Un responsable iranien a déjà fait savoir que son pays était prêt à approvisionner le Qatar par bateau, une traversée de 12 heures dans les eaux du Golfe.
L’Arabie saoudite et ses alliés ont suspendu les liaisons aériennes avec le Qatar et fermé les bureaux de la compagnie aérienne de ce pays.
Selon M. Skinner, ces mesures obligeraient Qatar Airways –déjà affectée par l’interdiction à bord des ordinateurs portables décidée par l’administration Trump– à changer de routes, causant des surcoûts d’exploitation.
Bien que les échanges commerciaux du Qatar avec ses voisins du Golfe sont limités, ses exportations vers l’Arabie saoudite, estimées à 896 millions de dollars par l’ONU, seront réduites à zéro.
– Secteur des énergies intact –
Le Qatar est un petit émirat de 2,4 millions d’habitants, dont 10% seulement sont des autochtones. Il compte quelque 1,8 million d’Asiatiques, originaires notamment d’Inde, du Népal et du Bangladesh.
L’émirat a l’un des revenus annuel par tête d’habitant les plus élevés au monde, avec plus de 100.000 dollars.
La fermeture du poste-frontière avec l’Arabie saoudite forcera les constructeurs de projets d’infrastructure à importer leurs matériaux par mer, relevant les prix et retardant potentiellement ces projets, a indiqué M. Skinner.
Mais il n’y aura pas d’impact sur les livraisons énergétiques du Qatar, qui transiteront par le détroit d’Hormuz en route pour le Japon et l’Asie du Sud-Est.
Premier exportateur mondial de GNL, le Qatar en livre annuellement 80 millions de tonnes par méthaniers, mais seules 10% sont destinées à des pays du Moyen-Orient, dont les Emirats arabes unis et l’Egypte.
Sa production pétrolière est de quelque 600.000 barils par jour.
« Je ne vois aucune menace pour les lignes d’exportation d’énergie du Qatar qui continuera à approvisionner ses principaux clients en Asie », estime l’expert koweïtien Kamel al-Harami.
Par gazoduc, le Qatar exporte quelque 3,1 milliards de pieds cubes de GNL par jour aux Emirats arabes unis et à Oman. L’Egypte a importé l’an dernier 60% de ses besoins en GNL du Qatar.
« Il est difficile pour les Emirats d’arrêter leurs importations de gaz du Qatar, surtout pendant les mois d’été. Ils en ont besoin et il n’y a pas d’alternative », a affirmé M. Harami.
Le Qatar, qui dispose d’environ 350 milliards de dollars investis à l’étranger, pourrait toutefois voir son secteur bancaire souffrir de la crise actuelle, selon James Dorsey du S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour.
« Les banques du Qatar, déjà en difficulté avec la baisse des réserves de trésorerie et des taux d’intérêt de plus en plus élevés, pourraient être durement touchées si l’Arabie saoudite et les Émirats choisissent de retirer leurs dépôts », a indiqué M. Dorsey.
La Banque centrale saoudienne a ordonné mardi aux banques du royaume de ne plus traiter avec les banques qataries en riyal qatari.
LNT avec AFP