Des chasseurs israéliens survolant la frontière entre l'Egypte et Israël pendant la guerre des Six Jours, le 5 juin 1967 © AFP/Archives -
Pertes humaines, débâcle de l’armée, discrédit: la défaite cinglante de la guerre des Six Jours en 1967 a laissé en Egypte un traumatisme encore ressenti aujourd’hui dans un pays qui n’a pas réussi à retrouver son rôle de leader du monde arabe.
En six jours seulement, Israël parvient à conquérir la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la péninsule égyptienne du Sinaï et le plateau syrien du Golan. L’armée égyptienne, perçue comme la plus puissante du monde arabe, est rapidement mise en déroute et son aviation laminée.
Pour des générations entières d’Egyptiens, cette guerre éclair sonne le glas du nationalisme arabe et de son héraut, le très charismatique Gamal Abdel Nasser.
La défaite est telle que le raïs présente sa démission le soir du 9 juin 1967, lors d’une allocution télévisée qui pousse des millions d’Egyptiens à manifester pour refuser son départ.
Finalement, Nasser reste. Mais affaibli, il mourra trois ans plus tard.
« Les populations arabes étaient avec Nasser. Il était un symbole, un héros, à un moment où (les pays arabes) se cherchaient une identité, après en avoir fini avec la colonisation », explique Sherif Younis, professeur d’histoire à l’université égyptienne de Helwan.
« Mais après la guerre de 1967, ni lui, ni l’Egypte, n’étaient en mesure d’assumer leur rôle de leader. Le pays avait même besoin d’aide pour reconstruire son armée », poursuit-il.
– ‘Coup dur’ –
« Après 1967, le rôle de l’Egypte a fortement reculé, et le nationalisme arabe a reçu un coup très dur », confirme Tewfik Aclimandos, professeur de relations internationales à l’Université française d’Egypte.
Avec la perte du Sinaï, la politique étrangère du Caire connaît un tournant. Les autorités assouplissent peu à peu leur position vis-à-vis d’Israël, concentrant leurs efforts pour reprendre le contrôle de la péninsule.
Nasser « définit des objectifs réalistes et revoit ses attentes à la baisse: il ne réclame plus la libération de la Palestine, mais adopte le slogan ‘effacer les traces de l’agression' », pour reprendre les territoires perdus à Israël, précise M. Younis.
Il faudra alors une guerre d’usure (1968-1970) et la guerre du Kippour (1973), avant que Le Caire ne signe avec Israël un traité de paix historique en 1979, qui ouvre la voie à la restitution du Sinaï.
Initié par le successeur de Nasser, Anouar al-Sadate, il s’agit du premier accord de la sorte signé entre un pays arabe et Israël.
– ‘Montée de l’islamisme’ –
Mais force est de constater qu’un demi-siècle après la guerre, l’Egypte a perdu son rôle de leader du monde arabe. Son influence dans les domaines politique, militaire et culturel s’est considérablement réduite.
« L’idée (qu’un pays) puisse occuper la place de leader a disparu. Aujourd’hui, l’ordre arabe est construit sur un jeu d’équilibres et d’alliances entre des pays qui ont des poids différents », souligne M. Younis.
Le déclin du panarabisme, après s’être avéré incapable de concrétiser les aspirations des populations de la région, laisse le champs libre aux mouvements islamistes.
« La guerre de 1967 était un facteur, parmi tant d’autres, qui a contribué à la montée de l’islamisme dans le monde arabe: les régimes révolutionnaires étaient jugés responsables de l’importante défaite », estime Henry Laurens, historien spécialiste du Moyen-Orient.
La défaite de 1967 met aussi à nu les faiblesses du régime de Nasser, surtout le rôle de l’armée -dirigée à l’époque par le maréchal Abdel Hakim Amer- qui représentait un véritable Etat dans l’Etat: un « gouvernement caché » selon Khaled Fahmy, historien à l’université américaine d’Harvard.
« Comme l’a reconnu Nasser lui-même par la suite, l’ingérence de l’armée dans la gestion du pays a mené à la désintégration de l’Etat », rappelle l’expert dans un article sur son site Internet.
Une prise de conscience douloureuse alors qu’avant la guerre, « Nasser ne tarissait pas d’éloges au sujet de son armée. Son frère d’armes, le maréchal Amer, assurait que c’était la plus grande du Moyen-Orient », dit-il.
« Mais en quelques jours seulement cette armée s’est écroulée et 10.000 de ses hommes sont tombés en martyrs, soit un dixième des forces ».
LNT avec AFP