Manifestation contre le président brésilien Michel Temer soupçonné de corruption, le 21 mai 2017 à Rio de Janeiro © AFP/Archives Yasuyoshi Chiba
Le scandale de corruption frappant de plein fouet le président brésilien Michel Temer risque selon les analystes de freiner les réformes libérales du gouvernement visant à sortir la première économie d’Amérique latine de la crise.
« L’économie va être très affectée par la situation actuelle de crise. Je redoute une troisième année consécutive de crise », déclare à l’AFP Gesner Oliveira, professeur d’économie à la Fondation Getulia Vargas (FGV) à Sao Paulo et associé du cabinet de consultants GO Associados.
Elle aussi pessimiste, l’agence de notation financière Standard and Poor’s a averti dès mardi qu’elle pourrait abaisser la note souveraine du Brésil en raison de « l’incertitude politique croissante ».
Michel Temer, 76 ans, a reconnu que son gouvernement était en train de vivre « son meilleur et son pire moment » depuis qu’il a pris la place, il y a un an, de la dirigeante de gauche Dilma Rousseff, destituée par le Parlement pour maquillage des comptes publics.
« La chute de l’inflation, les chiffres du retour à la croissance et les données de création d’emploi ont créé l’espoir de jours meilleurs », a souligné le chef de l’Etat, en référence aux prévisions selon lesquelles le Brésil s’apprête à surmonter la pire récession de son histoire, avec un plongeon cumulé du PIB de 7,2% sur les années 2015-2016.
« On ne peut pas jeter à la poubelle de l’histoire tant de travail en faveur du pays », a ajouté M. Temer, attribuant cette amélioration à ses mesures d’austérité déjà approuvées – comme le gel des dépenses publiques pendant 20 ans – ou en discussion au Parlement, comme le recul de l’âge de départ à la retraite et l’assouplissement des lois du travail.
Le rêve du président conservateur était de rendre un pays assaini et en ordre de marche à son successeur, qui sera élu en octobre 2018.
Peine perdue: la semaine dernière, la révélation d’un enregistrement dans lequel il paraît donner son accord au versement d’un pot-de-vin l’a immergé lui aussi dans le vaste scandale de corruption Petrobras, qui ébranle une grande partie de la classe politique brésilienne.
En réaction, la Bourse s’est effondrée de 8,8% et le réal s’est dévalué de près de 8% face au dollar.
– Marchés inquiets –
Depuis, la coalition au pouvoir et les marchés – les deux piliers de l’impopulaire président – n’ont plus que deux inquiétudes: la survie politique et la poursuite des réformes.
Dans une pleine page de communiqué dans les principaux journaux du pays, la puissante Confédération nationale de l’industrie (CNI) a appelé mardi à sauver les réformes malgré la situation d' »incertitudes et d’instabilité »… sans mentionner une seule fois Michel Temer.
« Le Parlement doit continuer les réformes structurelles, qui sont fondamentales, pour remettre le pays dans le bon rythme », a souligné la CNI.
Pour le professeur Geisner Oliveira, ces mesures, « pour le moment, n’ont aucune chance » d’être approuvées.
Si le Brésil surmonte la crise et fait avancer les réformes, cette année le PIB pourrait progresser de 0,6%, ce qui s’accompagnerait de la création de 150.000 emplois, selon les projections de GO Associados.
A l’inverse, si les réformes sont paralysées, le scénario est dévastateur: baisse du PIB de 1% et suppression de 380.000 emplois – dans un pays qui compte déjà 14,2 millions de chômeurs -.
Selon le journal économique Valor, si Temer démissionne ou est destitué, « le +candidat+ préféré des professionnels des marchés financiers », qui devra être désigné par la chambre des députés pour terminer le mandat jusqu’à fin 2018, est le ministre du Budget, Henrique Meirelles.
Pour apaiser les marchés, M. Meirelles, 71 ans, a eu dès lundi des conversations avec des investisseurs internationaux, selon les médias brésiliens.
Mardi, il s’est encore voulu rassurant, promettant lors d’une conférence à Sao Paulo que la politique économique serait maintenue « au-delà de toute autre chose ».
Mais s’il est amené à remplacer M. Temer, il devra probablement s’expliquer sur son rôle comme président de 2012 à 2016 du conseil d’administration de J&F, le groupe contrôlant JBS, dont le patron est justement celui a qui a piégé le chef de l’Etat en l’enregistrant à son insu et qui affronte lui-même plusieurs procédures judiciaires.
LNT avec Afp