L'ex-présidente sud-coréenne Park Geun-Hye au tribunal du district central de Séoul le 23 mai 2017 © POOL/AFP KIM HONG-JI
L’ex-présidente sud-coréenne Park Geun-Hye a comparu mardi à Séoul, la mine sombre et sans maquillage, à l’ouverture de son procès dans la retentissante affaire de corruption qui a précipité sa destitution.
L’ex-chef de l’Etat, qui il y a deux mois vivait encore à la « Maison bleue », le siège de la présidence, et était connue pour le soin extrême apporté à son image, est apparue menottée et arborant son matricule de détenue.
Elle a évité, en pénétrant dans le tribunal du district central de Séoul, de croiser le regard de celle par qui le scandale est arrivé, sa confidente de l’ombre et « amie de 40 ans » Choi Soon-Sil, également poursuivie.
Ce procès, qui devrait durer des mois, est un nouvel acte d’une longue saga ponctuée de manifestations monstres. Elles ont précipité la descente aux enfers de cette fille de dictateur démocratiquement élue avant d’être déchue par la plus haute juridiction du pays.
« Prévenue Park Geun-Hye, quel est votre profession? », a demandé le président du tribunal, Kim Se-Yun.
« Je n’ai pas de profession », a-t-elle répondu.
Celle qui fut considérée pendant des décennies comme « la princesse » politique du pays a effectué le trajet depuis sa prison jusqu’au tribunal à bord d’un minibus de l’administration pénitentiaire.
Mme Park, 65 ans, a été destituée en décembre par le Parlement. La Cour constitutionnelle a confirmé cette destitution début mars, ce qui a eu pour conséquence de lever son immunité.
– Transition chez Samsung –
C’était la première fois mardi que Mme Park apparaissait en public depuis son incarcération.
Mme Choi, qui n’occupait aucune position officielle dans l’administration, est accusée d’avoir profité de ses relations pour contraindre en échange de faveurs politiques les grands conglomérats à verser près de 70 millions de dollars à des fondations qu’elle contrôlait.
L’héritier de Samsung, Lee Jae-Yong, et le président de Lotte, Shin Dong-Bin, sont également poursuivis.
Le procès pourrait permettre de mieux comprendre les relations entre Mme Park et ces grands groupes familiaux qui dominent la quatrième économie d’Asie.
Le ministère public a affirmé mardi devant le tribunal que Mmes Park et Choi s’étaient entendues pour recevoir l’an passé sept milliards de wons (5,5 millions d’euros) de M. Shin l’année dernière.
Mme Park aurait par ailleurs déclaré en juillet 2015 à M. Lee qu’elle espérait que la délicate transition générationnelle à la tête de Samsung se « résolve en douceur sous son gouvernement », en lui demandant en même temps de soutenir les fondations de Mme Choi, a affirmé le procureur Hwang Woong-Jae.
L’ex-présidente est aussi accusée d’avoir laissé Mme Choi, fille d’un leader religieux douteux, se mêler des affaires de l’Etat, qu’il s’agisse des nominations au sommet ou de la garde-robe présidentielle.
L’ex-présidente est jugée pour 18 chefs, y compris corruption, coercition et abus de pouvoir, et risque la prison à vie.
– Choi ‘très désolée’ –
D’une voix calme, elle a rejeté toutes les accusations. Mme Choi et M. Shin ont fait de même. L’avocat de Mme Choi dénonçant une affaire « politique ».
« Je suis très désolée d’avoir fait que Mme Park comparaisse ainsi », a déclaré Mme Choi en réprimant un sanglot. « La présidente Park n’est pas quelqu’un qui se laisse appâter par les pots-de-vin ».
A l’issue de l’audience, Mme Park a été ramenée à sa prison.
Des centaines de personnes avaient fait le déplacement dans l’espoir d’obtenir lors du tirage au sort une place sur les bancs du public dans la salle d’audience.
« Je suis ici pour assister à un nouveau chapitre de l’histoire », a déclaré à l’AFP Lee Jae-Bong, 70 ans. « Je crois que Park doit être punie et jamais pardonnée afin que de telles choses ne se reproduisent pas ».
Ce « procès du siècle », selon l’expression du procureur spécial Park Young-Soo, intervient deux semaines après l’élection de l’ancien avocat de centre-gauche Moon Jae-In lors de la présidentielle anticipée.
Fille aînée du dictateur Park Chung-Hee, Mme Park a grandi dans le palais présidentiel où son père a régné en maître de 1961 jusqu’à son assassinat en 1979.
L’un des soupçons qui pèsent sur sa fille, souvent comparée à son père pour sa nature autoritaire, est d’avoir abusé de son pouvoir en ordonnant que soit dressée une « liste noire » d’artistes critiques afin de les priver de subventions publiques.
Le scandale avait mis en lumière les accointances malsaines entre les élites économique et politique du pays, autre héritage du règne de Park Chung-Hee.
Mme Park est la troisième ex-présidente jugée pour corruption après Chun Doo-Hwan et Roh Tae-Woo, condamnés dans les années 1990.
LNT avec Afp