Après l’euphorie de la victoire, le président iranien réélu Hassan Rohani va être confronté à de nombreux défis, au premier rang desquels l’opposition des ultraconservateurs à sa politique d’ouverture et l’hostilité des Etats-Unis.
Le pouvoir judiciaire et les Gardiens de la révolution, l’armée d’élite du régime islamique, proches des conservateurs radicaux, s’opposent à une extension des libertés dans la société, ainsi qu’à l’entente avec l’Occident voulues par Rohani, religieux modéré allié des réformateurs.
Ces institutions « non élues vont tenter d’empêcher Rohani d’appliquer ses réformes », affirme Clément Therme, analyste à l’Institut international des études stratégiques (IISS).
Selon lui, Rohani « va mettre l’accent sur l’économie » et « s’il y a une amélioration dans la vie quotidienne de la population, il renforcera sa position pour pousser les réformes dans le domaine des droits civiques ».
Mais relancer l’économie ne sera pas facile.
Malgré l’accord nucléaire conclu avec les grandes puissances, Washington reste hostile à l’Iran et maintient des sanctions qui effraient les banques internationales et les investisseurs étrangers.
Le président américain Donald Trump a menacé de « déchirer » l’accord nucléaire.
Lors de sa visite en Arabie saoudite, grand rival de l’Iran, il a conclu samedi un accord pour la vente record de 110 milliards de dollars d’armes. Avec pour objectif de combattre la « mauvaise influence iranienne » dans la région, selon le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson.
– Alliés d’Europe et d’Asie –
De leur côté, les gouvernements européens, russe et asiatiques ont salué la victoire de Rohani et croient en l’accord nucléaire.
Ils veulent profiter du riche marché iranien et y investir, ce que leur permet la levée d’une partie des sanctions internationales, conformément à l’accord entré en vigueur en janvier 2016.
« Beaucoup d’investisseurs dont je n’avais plus entendu parler depuis trois mois m’ont appelé soudainement (après la victoire de Rohani) et ont déjà acheté leur billet d’avion », a affirmé samedi à l’AFP Farid Dehdilani, conseiller auprès de l’Organisation iranienne de privatisation.
« Rohani va poursuivre de manière plus agressive son programme économique, avec des investissements productifs en vue d’attirer les capitaux étrangers », ajoute-t-il.
Mais il lui sera difficile de diminuer l’influence des Gardiens de la révolution qui contrôlent de larges secteurs de l’économie et ont obtenu ces dernières années de nombreux contrats, en particulier dans le secteur clé de l’énergie.
Elu une première fois en 2013, Rohani n’a pas réussi à obtenir la libération des leaders réformateurs Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, en résidence surveillée depuis 2011, ni empêcher l’arrestation de journalistes ou de bi-nationaux accusés d’intelligence avec « l’ennemi ».
– ‘Habile politicien’ –
Certains craignent que son second mandat ne ressemble à celui de l’ex-président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005), qui n’avait pas pu appliquer toutes ses réformes à cause de la résistance des conservateurs radicaux.
Mais, Hassan Rohani, qui connaît tous les rouages du régime, est mieux placé que M. Khatami, estime l’expert universitaire iranien Fouad Izadi.
« Rohani a montré qu’il était plus habile politicien que Khatami », affirme-t-il. « Il a fait partie du cercle dirigeant du système depuis suffisamment longtemps pour savoir comment mener sa barque. »
La question à plus long terme est l’influence qu’il aura dans le choix du futur guide suprême qui succédera à l’ayatollah Ali Khamenei, âgé de 77 ans.
L’Assemblée des experts, réélue en 2016 pour huit ans et chargée de nommer le moment venu son successeur, est largement dominée par les conservateurs et Rohani y a peu d’influence.
Son président n’est autre que l’ayatollah Ahmad Janati, un religieux ultraconservateur qui dirige déjà le Conseil des gardiens de la Constitution, autre institution clé du pays.
Fouad Izadi estime que le religieux conservateur Ebrahim Raissi, battu par le président sortant et dont le nom a été évoqué pour succéder à Ali Khamenei, a pour l’instant perdu ses chances.
Il a néanmoins rassemblé le camp conservateur derrière lui et obtenu près de 16 millions de voix alors qu’il était peu connu du grand public.
Il n’a donc pas dit son dernier mot. « Seize millions de voix est un immense capital qu’on ne peut pas ignorer sur le plan politique et dans les grandes décisions du pays », a-t-il rappelé après sa défaite.
LNT avec AFP