La Caisse de Dépôt et de Gestion, CDG, a organisé la semaine passée à Rabat une conférence sur le thème : « LE RÔLE DE LA FINANCE DANS LE VERDISSEMENT DES ACTIFS IMMOBILIERS MAROCAINS ».
Cette manifestation a connu la présence d’éminents intervenants, experts et financiers, nationaux et étrangers qui ont animé et participé aux deux tables-rondes programmées.
La séance inaugurale a été notamment marquée par les allocutions du Wali de Bank Al-Maghrib, M. Abdellatif Jouahri, M. Nizar Baraka, président du CESE et du Comité scientifique de la COP22, M. Mustapha Bakkoury, Président de la Région Casablanca-Settat et M. Abdellatif Zaghnoun, Directeur général de la Caisse de Dépôt et de Gestion.
Ci-après des éléments de réflexion sur la problématique de la Finance verte et du verdissement des actifs immobiliers.
En 2008, en même temps que le déclenchement d’une des plus graves crises financière et économique mondiale, est lancé, pour la première fois, une émission d’obligations vertes par la Banque Mondiale.
Malgré ce contexte particulièrement instable, ce nouvel instrument financier a réussi à convaincre les investisseurs et à prospérer.
Depuis cette première émission, la croissance de ce nouveau marché n’a cessé de croitre pour atteindre un encours d’environ 160 milliards de dollars contre environ 15 milliards de dollars en 2013, soit un marché presque multiplié par 10 en 3 ans.
Pour la seule année 2016, les émissions ont atteint près de 70 milliards de dollars.
Les émetteurs privés dont la part de marché est de près de 60% des émissions, sont à l’origine de ces bons chiffres. Alors qu’avant 2010 les obligations vertes étaient l’exclusivité des grandes institutions internationales comme la Banque Mondiale ou la Banque Européenne d’Investissement.
Evidemment ce succès est à relativiser tant les montants sont encore modestes voire marginaux par rapport à la taille du marché obligataire classique, néanmoins il démontre une prise de conscience que le développement durable et l’activité financière peuvent coopérer avec succès et que les obligations vertes sont de plus en plus considérées comme un moyen efficace de financer la transition énergétique
Parallèlement à cette tendance, les Etats du monde s’organisent pour préserver notre planète. La COP 22, organisée dans notre pays, est la concrétisation et l’application de l’Accord de Paris dont l’objectif, dans un premier temps, est de contenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C. La COP22 pourrait ainsi donner un nouvel élan aux émissions d’obligations vertes.
C’est dans ce contexte que la Caisse de Dépôt et de Gestion a organisé une rencontre sur ce nouveau mécanisme financier avec une déclinaison en faveur du verdissement de l’immobilier au Maroc. En effet, les nouvelles règles et engagements environnementaux encouragent les professionnels de la construction à s’adapter en faisant évoluer leurs habitudes et leurs méthodes de construction et de réhabilitation. La finalité étant de concevoir des bâtiments de plus en plus performants sur les thématiques énergétiques et environnementales et ainsi d’élargir leur panel d’instruments de financement.
Cette conférence s’est articulée autour de deux tables rondes :
Les obligations vertes : un instrument efficace de financement de la transition énergétique et écologique ?
Parce qu’ils drainent davantage de capitaux vers des projets à faible émissions de carbone tout en répondant à une demande croissante de produits labellisés verts, les obligations vertes représentent une des clés du développement d’une économie durable.
Les obligations vertes, comme toute obligation, sont des emprunts financiers, émis sur le marché par une entreprise, une organisation ou un État, qui seront financés par des investisseurs. Mais leur particularité est d’être destinées à financer exclusivement des projets environnementaux ou favorisant l’adaptation au changement climatique.
Les coûts de la lutte contre le changement climatique sont colossaux. L’Agence Internationale de l’Energie estime à
1 000 milliards de dollars d’ici 2035 les besoins pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les obligations vertes peuvent constituer une solution efficace, à condition que des mécanismes de contrôle soient mis en place.
Par ailleurs, les financements publics ne suffiront jamais à eux seuls à freiner le changement climatique : les investissements privés dans des projets environnementaux sont nécessaires pour orienter les économies sur une trajectoire de croissance plus sobre en carbone.
La création d’un environnement adapté, tant pour l’offre que pour la demande, est essentielle au développement durable du marché des obligations vertes. Les acteurs du marché et les responsables politiques doivent poursuivre leurs efforts de création d’un environnement transparent et efficace pour attirer les capitaux vers les projets verts (en créant des définitions de catégories vertes, en établissant des notations fiables, en améliorant le profil risque/rendement et les avantages fiscaux, etc.). Les initiatives, qui étaient jusqu’à présent basées sur l’information et la transparence, vont probablement évoluer vers la création d’engagements juridiquement contraignants.
C’est dans cette perspective que cette table ronde qui réunissait des professionnels du secteur financier et des marchés de capitaux, s’intéressa notamment aux attentes créées par la dynamique de la finance verte et à la « standardisation » des pratiques.
Ont participé à cette table ronde :
M. Aldo ROMANI, Deputy Head of Funding, Banque Européenne d’Investissement
M. Anthony Requin, Directeur Général, Agence France Trésor
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M. Hervé GUEZ, Responsable Recherche Investissement Responsable, Mirova
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Mme Muriel CATON, Directeur Général, VigeoEiris Enterprise
Modérateur: M. Benoit LEGUET, Directeur Général, I4CE
Immobilier : une classe d’actifs tout naturellement candidate. Quels outils pour garantir une intégrité environnementale des actifs ainsi financés? Quel rôle de la puissance publique en la matière
Le secteur du bâtiment étant l’un des principaux consommateurs d’énergie, émetteurs de gaz à effet de serre et de production de déchets, il est directement concerné par ces problématiques environnementales. Il est donc appelé à s’adapter continuellement et concevoir des bâtiments de plus en plus performants pour répondre aux attentes du développement durable
Le verdissement des actifs immobiliers, publics et privés, résidentiels, bureaux ou commerciaux est un enjeu clé de la lutte contre le changement climatique et de la capacité à atteindre collectivement une trajectoire 2°C.
Les réglementations de nombreux pays s’y sont attelées depuis plusieurs années, posant des normes de plus en plus exigeantes. Néanmoins les différences de performances au sein d’un même parc immobilier (neuf Vs existant) et entre pays sont encore parfois importantes.
Après avoir dressé une situation du parc immobilier marocain et des défis posés par sa mise à niveau environnementale, cette seconde table ronde, réunissant des professionnels du secteur immobilier, s’intéressa à :
– la situation du parc immobilier marocain au regard des enjeux environnementaux,
– les défis posés par le verdissement du parc immobilier domestique,
– comment les obligations vertes et le marché des capitaux sont-ils susceptible de contribuer à cet objectif ?
– quels sont les garde-fous nécessaires pour assurer l’ambition environnementale des bâtiments ainsi financés ?
– les certifications immobilières sont-elles de bons baromètres ?
– comment tenir compte des réalités locales sans perdre de vue la collectivité ?
– quel rôle et appui de l’Etat pour ce marché émergent ?
Ont participé à l’animation de cette seconde table-ronde :
M. Said MOULINE, Directeur Général, Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique
M. Frédéric Bonnardel, Financement moyen long terme – Responsable du projet green
bond, Groupe Caisse des Dépôts
M. Mohamed Amine El HAJHOUJ, Directeur Général, Société d’Aménagement de Zenata
Mme Housna MEDAGHRI ALAOUI, Directrice Audit et Qualité, Société d’Aménagement et
de Promotion de la Station de Taghazout
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Mme Mounia LAHLOU, Directeur Développement, Société d’Aménagement et de
Développement Vert
Modérateur : : M. Benoit LEGUET, Directeur Général, I4CE
LNT avec dossier de presse CDG
Encadré 1: Les NDC
Dans le cadre du nouvel accord international sur le climat, tous les pays s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Chaque Etat a donc rendu publique une contribution décidée à l’échelle nationale, une « NDC » (National Determined Contribution)
A quoi correspondent les contributions nationales ?
Les NDC présentent les politiques et mesures climatiques des pays pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux changements climatiques dans de nombreux secteurs, comme par exemple décarboner l’approvisionnement en énergie avec des transferts vers l’énergie renouvelable, l’amélioration de l’efficacité énergétique, une meilleure gestion des terres, de l’urbanisme et des transports.
Sur quels principes reposent les contributions nationales ?
Ambition : les contributions ont vocation à dépasser les engagements actuels des États. Les engagements précédents s’inscrivaient dans le cadre de la deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto – c’était notamment le cas pour l’Union européenne –, ou bien correspondaient aux actions nationales volontaires souscrites au titre de l’accord de Copenhague et des accords de Cancun).
Différenciation : les contributions sont examinées en tenant compte des circonstances nationales propres à chaque pays. Les pays les moins avancés et les petits États insulaires bénéficient notamment d’une certaine flexibilité dans l’élaboration de leur NDC compte tenu de leur capacité limitée.
Transparence : Les contributions qui ont été communiquées par les États ont été publiées au fur et à mesure sur le site de la CNUCC.
Quelles sont les règles qui encadrent ces contributions des États ?
Les contributions nationales regroupent 2 types d’objectifs :
• Les objectifs d’atténuation, qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, par exemple en modifiant les techniques de production employées. La contribution de chaque État doit présenter des éléments chiffrables et faire mention de l’année de référence, de la période d’engagement, du calendrier de mise en œuvre, ainsi que préciser les méthodologies employées pour estimer les émissions de GES.
• Les objectifs d’adaptation, qui visent à réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains aux effets des changements climatiques réels ou prévus. La contribution aux objectifs de ce volet est volontaire.
Quels sont les engagements du Maroc ?
L’engagement du Maroc est de réduire ses émissions de GES en 2030 de 42 % par rapport aux émissions projetées à l’horizon 2030 selon un scénario « cours normal des affaires ». Cet engagement ne sera atteint que si le Maroc accède à de nouvelles sources de financement et à un appui additionnel par rapport à celui mobilisé au cours des dernières années. Cet objectif correspond à une réduction cumulée de 523,5 Millions de tonnes équivalent CO2 sur la période 2020- 2030. L’effort que le Maroc devra consentir pour atteindre cette ambition nécessite un investissement global de l’ordre de 50 milliards de dollars, dont 24 milliards sont conditionnés par un appui international grâce aux nouveaux mécanismes de la finance climat, dont le Fonds Vert pour le Climat (FVC).
Encadré 2 : Les Green Bonds (Obligations vertes)
Les obligations vertes sont un levier important pour le financement de la transition écologique. Elles permettent aux entreprises et aux entités publiques de financer leurs projets environnementaux, plus particulièrement les investissements en infrastructures.
Qu’est ce qu’une obligation verte ?
Une obligation est une créance émise par une entreprise ou une entité publique afin de financer des projets environnementaux de développement des énergies renouvelables ou d’amélioration de l’efficacité énergétique.
Pourquoi investir ?
Les entreprises et les collectivités se lancent dans ce type de démarches pour trois raisons tournant autour de l’objectif environnemental des obligations :
• Communiquer sur leurs stratégies environnementales et donner du relief à leur engagement.
• Diversifier leur base de créanciers, en ciblant des investisseurs éthiques qui intègrent déjà des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
• Améliorer la qualité du dialogue au sein de l’organisation entre directions financières et directions environnementales au sein des structures.
Les investisseurs, de leur côté, cherchent à :
• Répondre à la demande des épargnants d’investir en faveur de la transition écologique.
• Mieux maîtriser un type de gestion intégrant des critères environnementaux, amené à croître dans les années à venir.
Quelques chiffres clés
Le marché des obligations vertes ou Green Bonds a explosé en à peine dix ans. Alors que seulement 855 millions d’euros avaient été collectés à travers le monde en 2007 par les premiers titres de ce genre, 2016 a permis de lever 44,3 milliards d’euros.