Le nouveau président sud-coréen Moon Jae-In, salue ses supporteurs à Séoul, le 10 mai 2017 © AFP Ed JONES
Le premier fabricant mondial de smartphones Samsung comme les autres conglomérats géants de Corée du Sud sont dans le viseur du nouveau président Moon Jae-In. Et il pourrait réussir à les réformer, là où d’autres ont échoué, jugent les analystes.
La quatrième économie d’Asie est dominée par quelques « chaebols », empires familiaux tentaculaires.
Des groupes comme Samsung ou Hyundai ont joué un rôle crucial dans le « miracle » économique des années 1960 et 1970 qui a métamorphosé le pays ravagé par la guerre.
Ils emploient beaucoup de monde. Samsung est présent dans la mode, gère des hôtels, un parc de loisirs, en plus de fabriquer des smartphones, des puces et des télévisions, et pèse un quart du Produit intérieur brut.
Ces groupes ont acquis une influence politique considérable, mais étouffent selon leurs détracteurs l’innovation et la diversité économique à cause de leur position dominante. Les familles dirigeantes sont accusées de se maintenir à leur tête à coups de pratiques corrompues.
Les accointances malsaines entre élites politiques et économiques ont été soulignées par le scandale de corruption qui a provoqué la chute de la présidente conservatrice Park Geung-Hye.
M. Moon, qui a entamé mercredi son mandat de président, entend faire pression sur les quatre grands — Samsung, Hyundai, SK et LG. « Je prendrai l’initiative de réformer les conglomérats », a-t-il dit lors de son investiture.
Ce n’est pas la première fois que le pouvoir promet le changement — Mme Park l’avait fait elle-même, comme le propre parti démocratique de M. Moon –, sans résultat. M. Moon a mis en cause la « faible motivation » de ses prédécesseurs.
– Le clan des riches –
Mais vu la colère de l’opinion publique qui a exigé, outre le départ de Mme Park, la réforme des « chaebols », le vent du changement souffle désormais plus fort.
Les « chances de réformes significatives se sont nettement renforcées », dit ainsi Gareth Leather, analyste chez Capital Economics.
Plusieurs chaebols ont publié jeudi des publicités dans les journaux pour féliciter M. Moon. Celle de Samsung montre une fillette souriante et proclame: « L’espoir pour un avenir meilleur commence ».
Le terme « chaebol » résulte de la combinaison des caractères signifiant « richesse » et « clan ».
Nombre de familles régnantes ne détiennent qu’une petite fraction de leur compagnie. Mais elles les contrôlent via un écheveau complexe de participations croisées, et les promotions rapides dont bénéficient les membres du clan.
Parmi les victimes du scandale Park, l’héritier de l’empire Samsung, Lee Jae-Yong, jugé pour avoir versé des pots-de-vin en échange de faveurs du gouvernement — y compris son feu vert à une fusion controversée de deux unités de Samsung considérée comme une étape clé de la transition générationnelle.
M. Moon a promis d’injecter de la transparence dans la gouvernance des entreprises, afin d’interrompre les lignées dynastiques.
Une proposition sur le vote cumulatif des actionnaires aux élections des conseils d’administration leur permettrait de concentrer leurs droits sur des candidats en particulier, ce qui favoriserait les chances de sièges pour les outsiders.
Cela constituerait un « catalyseur crucial du renforcement de l’indépendance et de la responsabilité des conseils d’administration », dit C.W. Chung, analyste chez Nomura Securities.
– Toujours ‘prestigieux’ –
La gauche contrôle la présidence mais aussi l’Assemblée nationale si bien que les chances de faire passer la réforme « sont beaucoup plus grandes que jamais », ajoute-t-il.
Le nouveau gouvernement a également promis la création d’un gendarme chargé de veiller à l’équité entre conglomérats et entreprises plus modestes, constitué de procureurs, de policiers, d’inspecteurs des impôts et de membres de la Commission du commerce équitable.
M. Moon veut aussi limiter le nombre de grâces présidentielles octroyées aux capitaines d’industrie.
Selon lui, « les familles des chaebols sont au coeur de nombre de délits en col blanc, comme la fraude comptable, les caisses noires et l’évasion fiscale ».
Les patrons coupables de délits financiers ont souvent bénéficié du sursis, les tribunaux faisant valoir les risques économiques de punitions plus sévères.
Le président de Samsung, Lee Kun-Hee, coupable d’évasion fiscale et d’abus de bien social, a bénéficié par deux fois d’une grâce présidentielle.
Mais certains sont sceptiques tant la puissance des chaebols est grande.
Tout ce qui leur nuit risque de nuire aux employés et à l’économie en général, souligne Robert Kelly, de l’Université nationale de Pusan.
Ils sont « profondément enracinés dans le système », restent admirés par beaucoup et il est toujours « prestigieux » d’y travailler, si bien qu’il sont « immunisés contre l’action gouvernementale », ajoute-t-il. « Les Posco, Samsung et LG, ce ne sont pas que des entreprises. Ils sont perçus comme des champions nationaux ».
LNT avec AFP