En ce début d’avril au lendemain de la publication des résultats par les sociétés cotées, la bourse de Casablanca décroche, ses deux principaux indices sont en baisse sur la base de volumes redevenus atones.
Pourtant, la masse bénéficiaire de l’exercice 2016, affiche une forte hausse de près de 13% voire, (hors impact des éléments exceptionnels observés), de +17,5%.
Des résultats annuels qui confirment d’ailleurs ceux du premier semestre de l’année.
C’est à ne plus rien comprendre à la logique boursière selon laquelle les investisseurs et les épargnants investissent en bourse à la recherche de bénéfices futurs traduits par un indicateur particulier, le PER (Price Earning Ratio).
En effet, on ne comprend pas pourquoi les opérateurs du marché financier vendent quand il faut acheter ! Les bénéfices réalisés par les sociétés cotées devraient cautionner l’investissement en bourse, rétablir la confiance voire réorienter les portefeuilles et les sociétés de gestion vers les valeurs cotées.
Or, ce que l’on constate en ce début de 2017, c’est bien le contraire, c’est-à-dire un mouvement de repli (-2,79% pour le MASI et -3,62% pour le MADEX au 07/04/2017) alors même que les taux d’intérêts ne sont plus attractifs. Comment expliquer cette situation ?
Au-delà du constat que la bourse de Casablanca « marche sur la tête « et que son inefficience n’est pas nouvelle. Et que, bien au contraire, du fait du manque de liquidité des actions fleurons du marché, du peu d’introductions en bourse et de la faiblesse des intervenants « spéculateurs », son inefficience est structurelle !
Nous avons cherché à comprendre pourquoi il y a eu une véritable ruée vers ce marché à la fin de 2016, au point d’en éclater la performance à plus de 30% en un mois, avec des volumes de plusieurs dizaines de milliards de dirhams.
Pourtant, à ce moment, on doutait encore que les résultats annuels des sociétés cotées seraient en phase avec ceux du premier semestre du fait d’une croissance économique annoncée à 1%.
Pour répondre à ces questions nous nous sommes adressés à BMCE Capital Research, une Ligne Métier dédiée à la Recherche boursière « sell side » de BMCE Capital, Banque d’Affaires de BMCE Bank of Africa.
Sa récente filialisation s’inscrit dans le cadre de la vision stratégique du Top Management de BMCE Capital, visant à doter le Groupe d’un Bureau de Recherche indépendant en conformité avec la directive Européenne MIFID II en cours de déploiement en Europe.
BMCE Capital Research est réputée être l’un des plus importants Bureau de Recherche en Afrique, couvrant les marchés marocain, tunisien et ouest-africain. Aujourd’hui, il est composé d’une dizaine d’analystes aux compétences multidisciplinaires.
Ceux-ci, d’ailleurs, se distinguent lors des conférences qui suivent les publications de résultats, réunissant journalistes et analystes, par la pertinence de leurs questions.
Nous avons donc rencontré 4 d’entre eux dont, Ghita Benider, Responsable Desk Equity et Hajar TAHRI, Analyste financier Senior ainsi que Fadwa Housni Directrice Générale et Hicham Saâdani, Directeur Général Adjoint tous deux en charge du Bureau de Recherche de BMCE Capital.
Voici leurs réponses à nos questions dans une interview collective…
Afifa Dassouli
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La Nouvelle Tribune :
Que pensez-vous des réalisations 2016 des sociétés cotées ?
BKR :
Les réalisations 2016 des sociétés cotées sont très satisfaisantes et ce, en dépit d’un contexte macro-économique plutôt morose comme en témoigne l’évolution limitée de la croissance économique à 1,1% en 2016.
Paradoxalement, les résultats annuels 2016 ressortent bien orientés, dans la lignée de ceux publiés au premier semestre. Cette performance dénote d’une meilleure agilité des opérateurs marocains côtés, fondée sur une double stratégie de consolidation des positions sur le marché local et d’accélération du développement à l’international, particulièrement en Afrique.
C’est ainsi que les revenus globaux du marché ressortent en hausse de 5% (vs. 4,5% au S1 2016) à MAD 228,6 Md pour une capacité bénéficiaire globale qui se hisse de 12,8% pour se fixer à MAD 28,6 Md.
Quels sont les secteurs qui portent cette croissance ?
Sur le volet commercial, le principal contributeur à la croissance est sans aucun doute le secteur immobilier, lequel participe à près de 13,6% à la croissance et principalement ALLIANCES qui renforcent ses revenus à travers la reprise de son activité et la réalisation de plusieurs dations.
Le secteur bancaire arrive, lui, en 2ème position en contribuant à près de 10% à la croissance du revenu global tirée par les réalisations probantes du trio de tête bancaire de la Place à savoir BMCE BANK (+ M MAD 1 173,2 en terme de PNB), ATTIJARIWAFA BANK (+M MAD 673,3) et BCP (+M MAD 313,8) qui, en dépit d’un contexte de resserrement des marges d’intermédiation, parviennent à capter le dynamisme des marché africains sur lesquels elles sont présentes.
Pour sa part, le secteur des assurances se place au 3ème rang réalisant un bond de 17% des primes acquises nettes dynamisées principalement par la croissance de l’activité Vie qui a connu une progression significative au cours de l’année 2016 du fait d’une montée en puissance des partenariats bancassurance des 3 assureurs cotés.
Sur le plan de la capacité bénéficiaire et en dépit de l’assujettissement de certaines sociétés à des redressements fiscaux inattendus, elle se hisse de 12,8% pour se fixer à MAD 28,6 Md (vs. 14,3% au S1 2016), sous l’effet combiné des progressions respectives de (i) 20,1% de la cote industrielle à MAD 16,3 Md grâce au bon score des immobilières, des agroalimentaires et des distributeurs d’hydrocarbures (ii) 4,9% des sociétés financières (Banques et sociétés de financement) à
MAD 11 Md profitant de la baisse de 5% du coût du risque des Banques cotées et (iii) 0,1% des sociétés d’assurance & de courtage à MAD 1,4 Md, absorbée par la dégradation du RN de SAHAM sous l’impact du contrôle fiscal.
Ces réalisations commerciales sont-elles conformes à vos prévisions ?
Les réalisations 2016 ressortent, en effet, parfaitement en ligne avec les prévisions annoncées au niveau de notre annuel boursier, soit une croissance bénéficiaire de +17,5%.
Puisqu’en effet, retraité de CIMENTS DU MAROC dont les états financiers ont été impactés en 2016 par la provision d’Impairment Test sur SUEZ CEMENT en Egypte, nous aboutissons à une même progression en terme de capacité bénéficiaire.
La justesse de nos prévisions est également redevable à notre prise d’initiative en matière d’élaboration de nos nouvelles estimations pour ADI au moment où le marché était sceptique quant à son aptitude à se redresser en 2016.
Ces performances n’ont-elles pas déjà été captées par le marché boursier en 2016 ?
Effectivement, les investisseurs avaient anticipé les bonnes réalisations des sociétés cotées pour fin 2016 qui se sont inscrites dans la même lignée que les performances semestrielles (+14,3%). Ce qui explique sans doute l’excellente performance des indices boursiers en 2016, à savoir des hausses annuelles de 30,5% à 11 644,22 points pour le MASI et de 31,6% à 9 547,25 points pour le MADEX dans un marché bien plus animé que sur les cinq dernières années (un volume de MAD 54,1 Md en 2016, contre une moyenne de MAD 50,9 Md sur la période 2011-2015).
Cette reprise a également largement profité de l’arbitrage favorable au marché actions au moment où les rendements obligataires étaient en baisse et que le retour progressif à la liquidité s’est confirmé à fin 2016.
Les niveaux de valorisation 2016 s’en sont trouvés par conséquent relevés à des niveaux importants, ressortant à 20,4x les bénéfices en 2016 sur la base des cours de clôture de fin d’année avec un Dividend Yield de 3,6%. Toutefois, ces niveaux de valorisation devraient mécaniquement se réduire compte tenu de la correction opérée sur le marché action en 2017 avec un MASI en baisse de -2,27% à fin mars (perf y-t-d), augurant d’un potentiel à capter durant les mois à venir par les investisseurs.
Comment voyez-vous l’évolution du marché pour 2017 ?
Sur le plan macroéconomique mondial, la conjoncture en 2017 devrait ressortir légèrement plus dynamique qu’en 2016 avec une croissance prévue de 3,3% (vs. 2,9% une année auparavant). Toutefois, des tensions demeurent sur les taux notamment américains ainsi que sur les prix de pétrole et des matières premières.
Sur le plan domestique, la formation du nouveau Gouvernement doit être de nature à insuffler un nouveau souffle à l’économie marocaine renforçant les bonnes anticipations de reprise économique attendue en 2017. Cette situation est confortée également par la rationalisation réussie de la politique budgétaire permettant de soulager nettement les finances publiques dans un contexte de consolidation haussière des prix de l’énergie ainsi que les prémisses d’une bonne année agricole devant impacter positivement le PIB agricole.
Enfin, le retour du Maroc à l’Union Africaine devrait lui permettre d’élargir sa pénétration économique à d’autres zones outre celle de l’Afrique de l’Ouest.
La remise sur les rails de l’appareil budgétaire notamment en matière d’investissement serait de nature à permettre de rattraper, du moins en partie, la perte d’activité enregistrée au T1 2017, particulièrement pour le secteur des BTP, important contributeur en terme d’emplois et de PIB.
Dans ce contexte de reprise économique, le marché boursier devrait en principe consolider l’orientation positive constatée en 2016 capitalisant notamment sur les effets de la mise en œuvre de la réforme du marché financier qui devrait se matérialiser par davantage de transparence en matière de communication financière (publications trimestrielles) et de création de nouveaux compartiments de marchés (marché à terme, marché des PME, etc.) combiné à un arbitrage favorable pour le marché actions notamment pour les institutionnels toujours à la recherche d’une rentabilité supérieure dans un contexte de retour de la liquidité et de stabilité relative des taux.
Sur le plan chiffré et en terme de croissance de la capacité bénéficiaire des sociétés cotées, nous sommes en cours de révision de nos prévisions que nous ne manquerons pas de communiquer au marché dans notre Forecast comme à l’accoutumée et qui devraient être globalement bien orientées.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli