
Chaque année, le 8 mars, Journée internationale des Droits de la Femme dans le monde, est un caléidoscope. C’est en effet à travers ce petit tube, dont le fond est constitué de fragments de verre colorié qui se réfléchissent en d’infinies combinaisons de motifs symétriques, que la situation de la Femme, dans toute sa diversité et complexité, est évaluée.
A chacun donc son motif dans cet arc-en-ciel de couleurs, où la Femme doit forcément trouver son compte. Il s’agira donc pour certaines de donner de la voix à leurs combats et leurs convictions, à d’autres de célébrer la Femme pour ses acquis, de même que pour beaucoup, le 8 mars se limite à être une occasion commerciale comme une autre, entre la Saint-Valentin et Halloween.
Dans ce contexte, force est de constater que les « Droits » de la Femme qui devraient focaliser l’attention en cette journée, sont peu audibles voire relégués au dernier plan, comme si le fait même de les évoquer risquerait de « casser l’ambiance ».
Pourtant, c’est bien sur le volet du Droit que la femme marocaine peut structurellement faire évoluer sa place dans la société. L’histoire récente du Maroc en atteste avec la réforme de la Moudouwana de 2004, qui sous la Haute volonté royale a permis de faire un bond en avant et dont les acquis paraissent aujourd’hui normaux, comme la transmission de la citoyenneté marocaine par la femme pour ne citer que cet exemple consensuel.
Les juristes ont une question existentielle et philosophique comparable à l’histoire de la poule et de l’œuf, celle de savoir si le Droit sanctionne une évolution existante de la société ou s’il est au contraire précurseur et catalyseur des changements de celle-ci. Dans le cas présent des Droits de la femme marocaine, le Droit et la Société sont intimement liés et s’influencent mutuellement en continu. Ainsi, depuis 2004, si sur le terrain judiciaire, les pratiques ont évolué vers une plus grande protection de la situation de la femme, sur le terrain sociétal quelques petites révolutions ont émaillé les vingt dernières années. La dernière en date est la relative libération de la parole des femmes et notamment des victimes de violences physiques ou sexuelles, à travers l’anonymat des réseaux sociaux, dans des affaires fortement médiatisées comme le #metoouni qui a permis la dénonciation des scandales de prédation sexuelle dans les universités marocaines l’année dernière. Ces fameux réseaux sociaux ont été un accélérateur ces dernières années de l’ouverture de l’espace d’expression publique, pour le meilleur et pour le pire, mais en comblant un vide pour les femmes qui n’ont pas tant d’alternatives que cela pour se faire entendre.
En réalité, cette dichotomie entre ce que le Droit couvre et ce que la Société vit au quotidien, se creuse lorsque les réformes nécessaires ne sont pas menées à temps. Or, beaucoup oublient que la nouvelle Constitution marocaine de 2011 en son article 19, consacre l’égalité entre l’homme et la femme qui « jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental ». Si les appels à la réforme de la Moudouwana des différents acteurs de la société civile, actifs au quotidien sur le terrain, ne sont pas entendus, ce point justifie à lui seul une refonte profonde des textes qui régissent les rapports entre les hommes et les femmes de ce pays. Le Roi Mohammed VI à travers des discours fondateurs et historiques, a été et continue d’être l’initiateur et l’impulseur de réformes structurelles pour rendre à la Femme marocaine sa place légitime dans notre société. Mais, il est grand temps pour nos gouvernants, drapés de modernisme, de faire preuve de courage politique et de s’attaquer à la réforme du cadre légal des droits des femmes. Parce que sans convergence entre le Droit et les évolutions sociétales, la situation de la Femme marocaine continuera de faire un pas en avant et trois en arrière, jusqu’au 8 mars prochain…
Zouhair Yata