La 5ème édition du Rendez-vous de l’Assurance, sous le thème de la disruption en assurance, a été lancée mercredi matin à Casablanca. Il s’agit d’un grand événement national, régional et international qui réunit cette année 1000 participants de 36 nationalités et de 25 pays africains. Et c’est la Tanzanie qui est le pays africain invité d’honneur.
En effet, depuis la visite royale en Tanzanie en octobre 2016, de nombreux accords de partenariat ont été signés avec ce pays dont celui entre les fédérations d’assurances marocaine et tanzanienne.
Chaque édition de ce rendez-vous se veut plus innovante que la précédente et si l’an passé les enjeux du digital en avaient constitué la trame principale, c’est à la disruption que les assureurs marocains et leurs invités ont choisi de s’intéresser cette année.
L’ère des « connected people »
Pour preuve, c’est que ce rendez-vous est accompagné d’un robot, Beauty Face, symbole explicite de la révolution technologique et de l’irruption dans notre quotidien de l’intelligence artificielle, causes principales de cette évolution majeure.
Et, pour en convaincre l’assistance et l’impressionner au cours de cette séance d’ouverture, Beauty Face répondait « en live » aux questions du président de la FMSAR et de son Directeur général, MM. Mohamed Bensalah et Bachir Baddou.
D’actualité donc, le concept de Disruption a été largement défini par les différents intervenants de cette séance inaugurale.
Tout d’abord, il signifie pour la profession de l’assurance, le changement et les bouleversements auxquels ce secteur est confronté aujourd’hui un peu partout dans le monde, subissant des pressions et des mutations fortes que M. Baddou a comparées dans sa présentation à l’irruption d’Uber dans le secteur du transport individuel des personnes (taxis, etc.).
Les innovations qui en découlent, dites de rupture, s’accompagnent du changement du concept même de l’assurance.
Et la clientèle devient de plus en plus exigeante, sollicitant des services et des prestations qui lui apportent plus de bénéfices pour un moindre coût.
Il est patent donc désormais que les relations entre assureurs et assurés sont en train de changer. En effet, elles se font et se feront de plus en plus par le multicanal, et utiliseront l’intelligence artificielle sous toutes ses facettes.
C’est d’ailleurs pourquoi l’APEBI est partenaire de ces journées de réflexion, le secteur de l’assurance ayant besoin de l’expertise des entreprises dédiées aux nouvelles technologies pour son adaptation
Dans son intervention de bienvenue, le Président de la FMSAR, M. Mohamed Bensalah n’a point manqué de citer les partenaires internationaux présents à ce cinquième rendez-vous de l’Assurance, et qui, indéniablement, accompagnent les assureurs nationaux dans cette transformation, tels le Président de l’Association Française de l’Assurance M. Bernard Spitz , le Président de l’Association américaine des Assureurs, le Vice-Président de la Fédération japonaise des assureurs, mais aussi les représentants des marchés africains de l’assurance.
Pour M. Bensalah, le thème de la disruption en assurance conditionne l’avenir du secteur, oblige les assureurs à explorer, innover, se réinventer pour faire face et intégrer la technologie devenue omniprésente dans notre quotidien.
Cette disruption oblige, selon le Président Bensalah, à se mettre à niveau face aux nouvelles technologies qui ont transformé le marché de l’assurance, comme l’indique déjà le nombre de personnes qui les utilisent, sinon en exclusivité, du moins en parallèle des produits d’assurance traditionnels.
La question qui pose à ce colloque est celle de l’adaptation du secteur de l’Assurance aux exigences de ces nouvelles populations connectées ainsi qu’aux nouvelles technologies.
Et l’une des a réponses consiste en une transformation profonde du métier qui va faire face à de nouveaux risques, tels celui des catastrophes naturelles, celui des cyber risques, etc.
La disruption, une révolution majeure pour l’Humanité
Pour sa part, dans son allocution, le Président de l’ACAPS, M. Hassan Boubrik a apporté sa définition de la disruption, « un mot qui vient du latin et dont la signification renvoie tout simplement à la rupture ou à la brisure qui bouleverse la nature des produits ainsi que les comportements des consommateurs. Les évolutions disruptives s’opposent aux évolutions incrémentales, qui celles apportent des améliorations progressives à différents secteurs ».
« Cette révolution peut être comparée aux deux révolutions disruptives les plus importantes qu’a connu l’Humanité, en l’occurrence l’invention de l’écriture et l’invention de l’imprimerie. Elle a de commun avec ces deux révolutions qu’elles portent toutes sur l’information, la manière de la transmettre, de la stocker et de s’en servir. »
L’assurance est l’un des secteurs où la disruption serait la plus profonde. Elle touche au modèle économique même de l’assurance.
Pour M. Boubrik, avec le développement de la voiture sans conducteur, ce n’est plus la responsabilité civile du conducteur qui sera assurée, mais celle du constructeur ou des éditeurs de technologies.
L’assurance Santé, quant à elle, s’oriente vers une tarification individuelle battant en brèche le principe sacro-saint de la mutualisation en assurances, au même titre d’ailleurs que l’assurance Automobile.
Conscients des enjeux induits par ces évolutions, les assureurs font de l’accélération digitale, l’un des axes majeurs de leurs stratégies.
Ils investissent fortement dans le numérique, rachètent, nouent des partenariats avec les « Insurtechs » et créent leurs propres accélérateurs ou incubateurs.
Les insurtechs se positionnent sur toute la chaine de valeur de l’assurance, en tant que fournisseurs de services techniques, en tant qu’intermédiaires et parfois même en tant qu’assureurs.
En France, l’assureur santé Alan, le premier indépendant à avoir obtenu un agrément d’assurance dans ce pays, est un nouvel assureur, digitalisé de bout en bout. C’est la preuve que les outils du numérique sont capables de faire tomber un certain nombre de barrières à l’entrée des secteurs les plus régulés.
Toutefois, relativise M. Boubrik, si la disruption dans les marchés des assurances les plus développés est déjà en marche, et que sur le continent africain, les nouvelles avancées technologiques induisent une évolution des marchés des assurances en rupture avec le passé, il ne s’agira pas nécessairement des mêmes ruptures ou enjeux que dans les pays et les marchés les plus développés.
Les contextes local et africain
La voiture sans conducteur n’est pas pour demain chez nous et l’investissement dans les Insurtech, du moins de manière significative, nécessite des écosystèmes et la mobilisation de fonds que la plupart des pays africains ne peuvent s’offrir.
Pour les années à venir, l’enjeux majeur en Afrique réside dans l’augmentation du taux de pénétration des assurances.
Le marché africain ne représente qu’à peine 1,6% du marché mondial au moment où le PIB représente près du double de ce pourcentage. Et de fait, l’Afrique est largement sous-équipée en assurance.
Comment rendre disponibles des services financiers, et en particulier l’assurance, à une partie très large de la population qui en est aujourd’hui privée ? Comment lui offrir à des coûts raisonnables des produits répondant à ses besoins et des couvertures pour des risques probants ?
Ce que l’on peut attendre, c’est justement que l’utilisation des nouvelles technologies aide de manière significative à atteindre cet objectif.
Et donc, en Afrique, les ruptures induites devraient concerner davantage la distribution et l’utilisation de plateformes digitales et de technologies à bas prix pour faciliter l’accès aux produits.
Les nouvelles technologies devraient aussi concerner davantage la gestion des sinistres et la relation client de manière générale.
Et ce serait déjà beaucoup, car elle permettrait non seulement d’élargir l’accès à l’assurance, mais également d’améliorer les services aux assurés et de restaurer la confiance des consommateurs dans un secteur qui souffre d’une image et d’un capital confiance relativement bas.
En définitive, on a le sentiment, à l’issue de cette séance d’ouverture du 5è Rendez-vous de l’Assurance que le Maroc est devenu une plateforme d’évènements régionaux et internationaux de haut niveau.
Les thèmes choisis par nos colloques portent sur des sujets qui concernent tous les pays et la Disruption est un vrai sujet pour le secteur de l’assurance.
Mais, cela n’exonèrera pas d’un certain réalisme qui s’impose à nous, marqué par le coût du changement, le rythme des réalisation et l’obligation du renforcement de la réglementation et de la supervision.
Afifa Dassouli