La cinquième édition du Forum International Afrique Développement, qui a pris fin vendredi 17 mars à Casablanca, et organisé par le Groupe Attijariwafa bank, a connu un succès indéniable.
Plusieurs milliers de participants, venus des quatre coins de notre continent, un très haut niveau de représentation économique, entrepreneuriale, politique et diplomatique, la présence du chef de l’Etat du Burkina Faso, M. Roch Marc Christian Kaboré, des centaines de rendez-vous B to B, etc.
Ce forum a notamment permis de mettre en exergue l’absolue nécessité de s’atteler au plus vite aux graves lacunes et insuffisances qui affectent le développement économique et social au niveau de l’Afrique en son entier, la grave détérioration des conditions de vie de dizaines de millions de ses habitants, mais aussi les sombres perspectives qui pourraient de dessiner si rien n’était entrepris pour redresser la barre !
Le message qui a été adressé aux participants par Mme Miriem Bensalah-Chaqroun, Présidente de la Confédération Générale des entreprises du Maroc, CGEM, n’a point fait dans la langue de bois ou les circonvolutions oratoires.
Avec franchise et éloquence, Mme Bensalah a pointé du doigt les gros points noirs qui touchent notre continent mais a également déterminé les cinq axes prioritaires d’une croissance inclusive pour l’Afrique.
Une adresse faite en langue anglaise et dont nous publions ci-après une synthèse.
Des promesses et des problématiques
En effet, pour « la patronne des patrons marocains », ce fut un plaisir d’assister à un événement incontournable, que représente cette réunion de la famille africaine à Casa et mener une réflexion sur les pistes de développement, les opportunités de co-développement, pour faire face aux challenges.
Certes, devait notamment préciser Mme Bensalah, l’Afrique est un continent prometteur. « Il bénéficie de terres arables et des plus larges réserves naturelles au monde, un marché en développement de 1,2 milliard de consommateurs, une population jeune, et un très fort potentiel de croissance. »
Mais, « chaque année 12 millions de jeunes arrivent sur le marché de l’emploi, et la moitié d’entre eux vit une situation de chômage ! ».
La croissance en Afrique n’a pas d’impact significatif sur la création d’emploi et l’amélioration des conditions de vie.
Par ailleurs, notre croissance globale traverse un ralentissement inquiétant.
« L’Afrique doit changer de paradigme pour parvenir à une croissance inclusive et durable ».
Et pour la présidente de la CGEM il faut accorder la priorité à l’amélioration de la vie des Africains et la compétitivité internationale du continent.
En effet, la population continentale sera de 2,4 milliards en 2050, à 60% urbaine. Et il y a donc une forte pression sur la création d’emplois, la sécurité alimentaire, le logement et la couverture sociale.
Les Etats, gouvernements, entreprises et sociétés civiles doivent joindre leurs forces et agir pour le changement ; et ce changement, Mme Bensalah, repose sur plusieurs axes fondamentaux :
– Des industries nouvelles et solides
– Une bonne gouvernance ;
– Un capital humain qualifié ;
– Un environnement des affaires adapté ;
– Et enfin, une approche régionale.
Agriculture verte et industrialisation
En effet, la part de l’industrie dans le PIB africain atteint à peine les 10%. L’Afrique ne transforme pas assez et ne crée pas assez de valeur ! ». La plupart des économies africaines sont toujours basées sur des ressources naturelles non-transformées et le rythme d’industrialisation est lent”.
L’Afrique devra toujours compter sur l’agriculture pour faire face au challenge de la sécurité alimentaire, mais le besoin de fait sentir d’ « une révolution verte » pour une meilleure productivité des terres agricoles et le développement de l’agribusiness”.
Et donc, pour la présidente de la CGEM, « Cela ne rime à rien de continuer à importer alors que l’on peut produire. Les gouvernements doivent adapter un agenda green. Ils devront faire face aux problèmes de la propriété industrielle, d’une logistique adéquate et d’une organisation du marché ».
En effet, “L’Afrique peut aussi vivre sa propre révolution industrielle à travers les énergies renouvelable et la nouvelle économie green ». Cela va améliorer la capacité de production d’énergie électrique et permettre l’émergence d’un écosystème entrepreneurial « green ».
Car, malgré de nombreuses initiatives prises dans 30 pays (solaire, hydraulique, etc.), l’Afrique n’utilise que 10% de son potentiel.
La nécessité du partenariat public-privé
Cependant, comme l’observe l’oratrice, « Pour accélérer le processus, de lourds investissements sont nécessaires, et le secteur privé, seul, ne peut pas financer ces projets à rentabilité sur le long-terme. Les PPP sont nécessaires, de même qu’une vision claire et un cadre juridique stable ».
Par ailleurs, les infrastructures et l’habitat sont aussi des opportunités de développement. Actuellement, il y a un déficit de 30 millions d’unités d’habitations et 200 millions d’Africains vivent dans des bidonvilles. Sur les 10 prochaines années, 500 milliards $ seront nécessaires aux investissements dans les infrastructures.
La construction va assurer l’emploi de ressources locales et faire face au chômage. « Si le secteur privé peut faire face à ce challenge, les gouvernements doivent faciliter l’accès au foncier, au financement, et offrir un cadre réglementaire adéquat ».
Mais Mme Bensalah n’ignore pas le développement des nouvelles technologies et elle énonce que « la digitalisation va forger le futur de nos économies ». C’est inévitable, d’autant que 60% des Africains ont un téléphone portable et 25% d’entre eux sont connectés. La digitalisation va fortement impacter le business, et offrir de nouvelles opportunités.
La gouvernance, un axe de priorité absolue
Le second axe pour une croissance inclusive est la gouvernance. Le développement économique doit être considéré comme la première priorité des politiques gouvernementales et des mécanismes effectifs doivent être mis en place pour promouvoir un tel objectif, constate la présidente de la CGEM qui précise : « Pour assurer une croissance inclusive, nous allons devoir envisager de promouvoir l’entreprenariat, l’égalité des genres, et l’implication du secteur privé dans l’élaboration des politiques publiques ». « Nous, secteur privé, avons besoin d’un véritable partenariat public-privé, au sein duquel les gouvernements agissent comme facilitateurs et régulateurs, et les sociétés créent de la croissance responsable et de la richesse partagée ».
Revoir l’éducation et la formation
Le 3ème facteur, qui est peut-être le plus important, est le capital humain. 70% de la population subsaharienne ont moins de 30 ans. « Le véritable atout de l’Afrique est sa population ». Mais comment la lier à la prospérité? Par l’éducation et la formation :
– Un vrai besoin de revoir les cursus et repenser les approches pour s’aligner sur les besoins du secteur privé.
– Par ailleurs, la formation professionnelle devrait être améliorée pour rehausser la compétitivité des PME et TPE, qui sont le socle des économies africaines.
Il faut enfin développer l’esprit d’entrepreneuriat chez les jeunes et faciliter la création d’entreprises.
Ainsi que le climat des affaires !
Pour la businesswoman avertie qu’est Mme Bensalah, il est impératif d’améliorer l’environnement des affaires. En effet, le climat des affaires est l’une des causes majeures de l’inégalité de la croissance en Afrique. Manque de régulation, accès difficile à la terre, faible protection de l’investissement et lourdeur administrative freinent l’investissement productif.
Comme cinquième axe d’une économie inclusive, Mme Bensalah évoque la vision régionale, en posant les interpellations nécessaires : “Pouvons-nous voir l’Afrique comme un ensemble de régions puissantes au lieu de pays individuels ? Nous devrions ! » Il faut penser régional.
“Le focus doit être sur nos complémentarités”.
C’est l’état d’esprit qui doit prévaloir. La communauté des affaires, que nous représentons, suggère la création de centres d’excellence régionaux, chacun se spécialisant dans les industries où nous sommes les plus performants.
Cette approche régionale doit aussi se baser sur commerce régional plus intensif. Seulement 12% du commerce en Afrique s’effectuent entre pays du continent. En comparaison, le commerce intra-régional atteint 24% en Asie du Sud-Est, 40% en Amérique du Nord, et 60% en Europe ! »
La Foi en l’Afrique
Et la présidente du patronat marocain de conclure son intervention sur des paroles fortement mobilisatrices, optimistes mais réalistes à la fois :
« Nous avons écouté quelques idées sur la façon de restaurer la croissance africaine. Nous devons tous nous impliquer dans le changement. Pour nous, la communauté des affaires, le changement veut dire des investissements socialement responsables, de la valeur locale et de l’emploi. Mais, au-delà de toute considération, il y a une chose que nous devons tous avoir : la FOI.
La Foi en l’Afrique, en ses habitants, en son futur. Je rends hommage à tous les entrepreneurs africains qui ont investi dans le continent et apporté le changement. Nous sommes fiers de vous ! ».
Afifa Dassouli