Le chef des affaires humanitaires des Nations unies, Tom Fletcher, lors d'une conférence de presse à Genève, le 3 décembre 2024
L’ONU a lancé mercredi un appel humanitaire à hauteur de 47,4 milliards de dollars tout en reconnaissant que c’est trop peu pour secourir les centaines de millions de personnes qui auront besoin d’aide l’an prochain dans un monde « à feu et à sang ».
« La combinaison des conflits, de la crise du climat et des inégalités a créé un parfait désastre », a lancé le tout nouveau chef des affaires humanitaires des Nations unies, Tom Fletcher, à la presse, décrivant un monde « à feu et à sang ».
Mais pragmatique face à une crise des dons, l’ONU a demandé bien moins que ce dont elle aurait besoin et elle ne pourra assister que 190 millions de personnes, si elle arrive à récolter la totalité de la somme demandée ce qui est loin d’être acquis.
Elle estime qu’en 2025, 305 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire.
Mais en novembre, l’organisation n’avait reçu que 43% des près de 50 milliards de dollars demandés pour 2024.
L’an dernier elle n’avait pu aider que 116 millions de personnes dans le monde.
Tom Fletcher affirme qu’il lui aurait été plus facile de demander un montant record mais il souligne l’importance d' »établir des priorités face au manque de financements » même s’il s’agit de « choix difficiles ».
Si « nous bénéficions d’une année de financement exceptionnelle, (…) nous irons au-delà des 190 millions, mais je dois être cynique et réaliste quant aux perspectives d’y parvenir », relève t-il.
– « Impitoyables » –
« Nous devons absolument nous attacher à atteindre ceux qui en ont le plus besoin et être vraiment impitoyables (…) en ce qui concerne l’affectation des fonds et les domaines dans lesquels nous pouvons avoir le plus d’impact », a-t-il insisté.
Faute de fonds, en 2024, l’aide alimentaire a été réduite de 80% en Syrie, tandis que l’aide en matière d’eau et d’assainissement a dû être diminuée au Yémen alors que le pays est touché par le choléra.
« Le système humanitaire est aujourd’hui débordé, sous-financé et littéralement attaqué », déplore M. Fletcher.
« Nous avons besoin d’un élan de solidarité mondiale » face à la « lassitude des donateurs », a-t-il dit.
Une lassitude dont s’inquiète le Norwegian Refugee Council, une très importante ONG.
« A l’heure où les personnes les plus riches de la planète peuvent aller dans l’espace en tant que touristes et où des milliers de milliards de dollars sont dépensés chaque année en dépenses militaires mondiales, il est incompréhensible que nous, en tant que communauté internationale, ne soyons pas en mesure de trouver les fonds nécessaires pour fournir un abri aux familles déplacées et empêcher les enfants de mourir de faim », s’indigne l’ONG dans un communiqué.
Vient s’ajouter l’incertitude créée par l’arrivée prochaine de Donald Trump aux affaires.
M. Fletcher veut dialoguer avec la nouvelle administration pour tenter de la convaincre de ne pas couper l’aide.
Mais la fatigue des donateurs ne concerne pas que les Etats-Unis, reconnaît le responsable, qui veut convaincre les donateurs traditionnels et trouver de « nouveaux alliés ».
– Année brutale –
Selon M. Fletcher, 2024 a aussi été « catastrophique » pour les populations que l’ONU soutient.
Gaza, Ukraine, Soudan, Liban, Syrie… 2024 a été « l’une des années les plus brutales de l’histoire récente » pour les civils pris dans les conflits selon l’ONU, et « si aucune mesure urgente n’est prise, l’année 2025 pourrait être pire encore ».
À la mi-2024, près de 123 millions de personnes avaient été déplacées de force par les conflits et la violence, soit la douzième hausse annuelle consécutive. En parallèle, des catastrophes d’origine climatique ravagent des régions, provoquant des déplacements massifs de population.
Et cette année est déjà considérée comme l’année la plus meurtrière pour les travailleurs humanitaires, avec un bilan dépassant les 280 morts de 2023.
« En ce qui concerne les conflits, ce n’est pas seulement le fait qu’il y ait tant de conflits en même temps qui pose problème » mais le fait qu’ils durent plus longtemps, « dix ans en moyenne » désormais, souligne M. Fletcher.
« Plus les crises durent, plus les perspectives sont sombres: l’espérance de vie diminue, les taux de vaccination s’effondrent, l’éducation est souffrance, la mortalité maternelle monte en flèche et le spectre de la famine grandit », relève-t-il.