Comme chaque année, la fête de la musique coïncide avec l’arrivée de l’été et la saison des Festivals.
Et, cette année aussi et encore, à la même période, les Cassandre de tous bords, continuent de nous expliquer à quel point la culture n’est pas prioritaire et ne devrait pas l’être compte tenu du contexte économique et social du Maroc. Eux savent pourquoi tel festival ne mérite pas d’exister ou pourquoi l’autre serait dédié à l’élite bourgeoise, que l’argent des sponsors permettrait de construire des dizaines de bibliothèques, pour ceux qui tiennent quand même à être cohérents dans leur discours, ou mieux encore des hôpitaux et des écoles.
En pures « économistes », ces détracteurs qui n’écoutent pas Nikki Minaj, sont donc défenseurs d’une définition très précise des besoins humains et marocains en particulier, qui veut que l’accès à la culture n’existe qu’après avoir atteint un certain degré de développement, lequel d’ailleurs n’est pas vraiment précisé.
On est bien loin de la notion même de divertissement et encore plus de celles de bonheur, d’épanouissement ou de nourriture des âmes. Pourtant, la seule réelle sanction pour les Festivals en tous genres qui sont organisés chez nous, est l’affluence du public. Or, celle-ci ne se dément pas d’année en année. Les Marocains se déplacent, payent pour certains et pour d’autres bénéficient justement de l’implication des sponsors privés, qui permettent par leur participation aux organisateurs des festivals, d’offrir un accès gratuit à des millions de nos concitoyens.
Le cas du Festival Gnaoua et Musiques du Monde est la preuve par excellence de ce que la promotion de la culture peut apporter à nos compatriotes et à notre pays. D’abord, parce que cela fait déjà 25 ans que ce Festival est né et qu’il n’a cessé de s’enraciner avec le temps dans les esprits et le cœur des gens. Aller à « Souira » pour « Gnaoua » est devenu une expression familière avec le temps, symbole de la symbiose fusionnelle que la ville a développé avec son festival. Un quart de siècle plus tard, le travail acharné et soutenu du Festival au service de la valorisation de l’héritage des Gnaouas, a permis de faire entrer « L’art et la musique Gnaoua » au patrimoine immatériel mondial de l’humanité en 2019.
Mesure-t-on l’accomplissement que représente cette reconnaissance à sa juste valeur ? De même, qui oserait nier l’impact économique et social du festival et le co-développement que la ville a connu depuis sa création ?
Pour beaucoup d’entre nous, le Festival Gnaoua a marqué ces deux dernières décennies et fait partie de notre patrimoine personnel autant que collectif. Les affiches du Festival chaque année, la parade d’ouverture qui anime la ville, le cri des mouettes sur la grande plage porté par le vent, les odeurs, les couleurs, les trouvailles dans les recoins de la médina, les nuits sans fin, rythmées par les guembris et les crotales, la mixité sociale totale, à laquelle fait écho depuis le début la notion de fusion entre la musique gnaoua et celles du monde. Tout cela finit par vous prendre aux tripes, vous donne la chair de poule, vous rend vivant. Et c’est là tout le rôle de la culture, de la musique, la communion des êtres par le partage, le sensoriel, l’abstrait indescriptible du bien-être et du bonheur.
A titre personnel, ce Festival porte aussi une charge émotionnelle très forte. J’y ai fait mes premières armes de journaliste, couvrant avec passion les sessions matinales du Forum des Droits Humains, marquées chaque année par des débats d’intellectuels sans complaisance et audacieux. J’y ai vécu des moments inoubliables aux côtés de Feu Fahd Yata, qui porté par l’amitié profonde qui le liait à ce Festival, se délectait littéralement de sa programmation artistique. J’y ai appris qui étaient les grands maâlems et pourquoi des Wailers à Patrice en passant par notre Hoba Hoba Spirit national, tous les artistes leurs doivent quelque chose. J’y ai tout simplement grandi, comme des millions de festivaliers qui ont partagé tout ou partie de cette expérience unique, intemporelle, vivifiante, marocaine.
Joyeux anniversaire cher Festival, merci pour ces 25 ans, puisse-t-on connaitre ensemble encore de nombreuses et belles années…
Zouhair Yata
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