Fin 2023, début 2024, les juges sont pris d’assaut. Ils sont sous pression et sont très attendus sur un nombre d’affaires impliquant des personnalités politiques, fonctionnaires, sécuritaires et autres « Moulchoukara ». En attendant, c’est aujourd’hui, lundi 15 janvier, que Mohamed Abdennabaoui, Premier Président de la Cour de Cassation, va présider, conformément à l’article 8 de la loi relative à l’organisation judiciaire du Royaume, une séance officielle en ouverture de l’année judiciaire 2024.
Il convient de rappeler dans ce cadre que la séance officielle d’ouverture de l’année judiciaire est une tradition judiciaire au cours de laquelle le Premier Président de la Cour de Cassation et le Procureur Général près cette même juridiction présentent le bilan de la précédente année judiciaire. Une occasion aussi permettant d’évaluer le niveau des prestations judiciaires.
Par la même occasion, la présidence de la Cour de Cassation présente les objectifs stratégiques et les projets d’avenir des institutions judiciaires visant à améliorer la performance de l’action judiciaire et des services fournis aux justiciables, à promouvoir le rôle de la justice et des juridictions dans le cadre de l’Etat de Droit.
Ceci dit, il est important de constater que l’année judiciaire 2024 s’annonce électrique. L’année 2023, elle, a déjà mis la table pour que cette 2024 soit particulièrement fournie en actualité politico-judiciaire. Simple hasard de calendrier ou coïncidence de faits, les dossiers en cours viennent démontrer, s’il le fallait, que la classe politique traîne toujours de lourds boulets. Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes : pas moins de 27 députés de différentes couleurs politiques sont poursuivis dans des affaires en rapport avec Al Fassad. Les mis en cause sont de tous les partis, sans exception (ou presque).
Certains sont déjà condamnés, alors que d’autres sont poursuivis et en détention préventive. L’affaire dite ‘‘Escobar du désert’’ a vu 25 personnes être déférées devant ce Parquet, dont certaines sont des parlementaires, d’autres sont en charge de la gestion de collectivités territoriales ou encore des fonctionnaires chargés de l’application de la loi, ce qui est le comble.
De là découle la question de savoir quel impact ces affaires peuvent avoir sur les organisations politiques et les partis en particulier, car leur responsabilité est clairement mise en cause. En effet, l’inaction et la sur-tolérance encouragent souvent certains à intégrer la chose politique, alors que l’intransigeance devrait être de mise face à toute personne entourée de soupçons. Ils ont sans aucun doute le devoir également d’enquêter sur les militants, leur réputation et leurs activités. De nouveau, beaucoup de choses sont à revoir à ce niveau aujourd’hui.
L’année judiciaire 2024 est celle également d’un Maroc fraîchement élu président du Conseil des Droit de l’Homme des Nations Unies, d’où l’essentiel est de savoir quels effets aura cette distinction sur les droits et les libertés publiques dans un pays où un certain nombre de dossier en rapport avec les droits de l’homme posent toujours problèmes. Pour beaucoup, il est fondamental pour les juges de comprendre, voire concevoir, que les arrêts et décisions de justice sont devenus un véritable mécanisme d’interaction internationale.
Pour sa part, le Procureur Général du Roi près la Cour de Cassation, El Hassan Daki ne cesse d’affirmer que ‘‘le ministère public veille à travers les missions qu’il exerce au niveau de la mise en œuvre de la politique pénale, à faire de la question des garanties du procès équitable une des priorités de la politique pénale, surtout en ce qui concerne la rationalisation de l’utilisation des mécanismes juridiques restrictifs des libertés, le respect de la dignité humaine et la consécration des droits de la défense en tant que droit constitutionnel et juridique aussi bien des accusés que des victimes’’.
Même son de cloche, ou presque, auprès de Mohamed Abdennabaoui, pour qui le procès équitable ne se cantonne plus au champ juridique depuis son institutionnalisation par l’article 23 de la Constitution de 2011 qui énonce sans ambages que »la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis », tout en énumérant les principales conditions d’un procès équitable évoquées dans l’article 14 du Pacte international des droits civils et politiques.
Sur un autre registre, il faut rappeler dans ce sens que le justiciable marocaine n’a pas la meilleure relation avec le tribunal. L’accès des citoyens aux différents services judiciaires n’est pas toujours chose facile et les problèmes restent nombreux.
D’ailleurs, demandez son avis aujourd’hui à n’importe quel justiciable marocain et vous aurez certainement des réponses révélatrices sur les véritables problématiques propres à notre Justice.
La transparence et l’action continue de la Cour de Cassation ou encore de la Présidence du Ministère Public, sont d’autant plus importantes pour l’avancement de la pratique judiciaire en faveur des droits de tous les citoyens marocains !
Hassan Zaatit