
Colloque international des Finances Publiques: Table ronde sur la fragilité sociale
Ces 20 et 21 novembre s’est déroulée la quatorzième édition du Colloque international sur les finances publiques (CIFP), organisée comme chaque année par la Trésorerie Générale du Royaume en partenariat avec l’Association pour la Fondation Internationale de Finances Publiques (FONDAFIP), sous le thème « les grands défis des finances publiques du 21ème siècle ».
Un thème particulièrement d’actualité, puisqu’il s’agit de l’une des préoccupations majeures dans le monde, dans un contexte général marqué par des mutations profondes, une crise sanitaire complexe induite par la pandémie du coronavirus et le début de mise en œuvre du nouveau modèle de développement pour le Maroc.
Un enjeu majeur
Intervenant à cette occasion, la ministre de l’économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, a relevé que les finances publiques constituent aujourd’hui un enjeu majeur, qui a démontré toute son importance pour faire face à une crise inédite, mais dont le rôle est assez crucial, notamment pour les défis du 21ème siècle et pour assurer l’avenir de l’Etat social, qui a été choisi pour notre pays.
Elle a, dans ce sens, mis l’accent sur la nécessité de réinventer les finances publiques sur des acquis forts et ce, en association avec le secteur privé, la société civile, puisqu’il s’agit d’assurer un avenir pour les générations futurs, en prenant les décisions qui s’imposent actuellement et en accélérant la mise en œuvre de réformes à même de garantir des finances à la hauteur de l’ambition du Royaume.
Et d’ajouter que l’intervention de l’Etat doit s’inscrire dans une démarche stratégique globale qui permet d’appréhender via des projections prédictives, la vraie portée des enjeux et des tendances sur le long terme, en tirant notamment profit de la profusion de l’information et des nouveaux moyens à mettre à la disposition de l’Etat pour son traitement.
S’attardant sur les défis des finances publiques du 21ème siècle et leur différence de ceux des temps passés, Mme Fettah Alaoui a souligné que le Royaume aura à affronter de nouveaux défis, ou des défis nés assez récemment à l’échelle de l’histoire des sociétés, comme ceux liés à la data, ceux afférents à la globalisation ou encore à la prééminence de l’économie de service, etc.
La ministre a également souligné l’impératif « d’ouvrir plusieurs fronts » qu’ils soient anciens ou nouveaux, pour faire face aux défis relatives aux finances publiques, notamment sur les plans social et économique, mais également sur le plan du financement de l’action publique.
Et il faut également se baser sur les avancées technologiques, a insisté la ministre : « Le Big Data et l’intelligence artificielle peuvent être d’une aide très précieuse pour la construction de modèles prédictifs pour les finances publiques de demain en matière de politiques budgétaire, fiscale ou encore en matière de politique d’endettement public ».
Pour sa part, Michel Bouvier, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, président de la FONDAFIP et directeur de la Revue Française de Finances Publiques, a affirmé que la thématique des finances publiques fait depuis plusieurs années l’objet d’une réflexion fondamentale ouvrant le champs à d’autres problématiques, notamment la construction du bien-être de la société, de l’Etat de demain et de la citoyenneté de demain.
« Sur la base d’une réflexion sur les défis actuels et futurs des finances publiques se posent des questions dont les réponses sont cruciales pour l’avenir de l’organisation de notre société, en d’autres termes de notre démocratie » a-t-il dit, soulignant que la gouvernance financière publique, son économie, son droit, sa gestion exercent une influence considérable sur l’évolution du monde, mais aussi sur l’organisation et les actions des institutions d’un pays, c’est pourquoi la réforme aux finances publiques demeure parfaitement essentielle.
Il a, par ailleurs, mis en avant l’importance d’identifier l’ambiguïté qui caractérise l’actuel modèle financier public et d’esquisser par ricochet, le modèle de gouvernance financière adéquat permettant de sortir de cette ambiguïté.
Dans la même veine, le Trésorier générale du Royaume, M. Noureddine Bensouda, a relevé que l’ensemble de réformes majeures dans lesquelles le Maroc s’est engagé exigent « des finances publiques assainies » en vue de reconstituer des marges budgétaires qui permettront à l’Etat de construire l’avenir. M. Bensouda a plus amplement exprimé ses idées et sa vision de l’évolution des finances publiques dans l’interview qu’il nous a accordés à cette occasion, et que nous avons publié dans nos pages.
La question du financement
Les besoins de financement du nouveau modèle de développement (NMD) requièrent un cadre macroéconomique étroitement aligné aux objectifs de développement économique et social, a souligné, pour sa part, le président de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), Chakib Benmoussa.
Ce cadre se décline à travers une gestion macroéconomique alliant agilité et flexibilité à court-moyen terme et exploitant toutes les marges d’action possibles, tout en restant vigilant sur la soutenabilité du cadre macroéconomique, a expliqué M. Benmoussa.
Le directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), Hassan Boubrik, a souligné, de son côté, la nécessité de mettre en œuvre une réforme « paramétrique » du régime de la CNSS des salariés du secteur privé, et ce pour un meilleur équilibre technique.
« Il s’agit de repousser l’âge de la retraite, augmenter la cotisation et revoir les règles de calcul des annuités », a précisé M. Boubrik qui s’exprimait lors d’une table ronde organisée sous la thématique: « faire face à la fragilité sociale », dans le cadre de la 14ème édition du Colloque international sur les finances publiques (CIFP).
S’attardant sur les différentes situations des régimes de la Caisse, M. Boubrik a fait savoir que le régime des pensions civiles ne produit plus de déficit grâce notamment à la reforme paramétrique de 2016 qui a augmenté l’âge de retraite de 60 à 63 ans, baissé le taux d’annuité de 2,5% à 2% et augmenté la cotisation de 20% à 28 %, soit des décisions « lourdes » mais qui ont permis d' »arrêter l’hémorragie ».
M. Boubrik a, en outre, mis en exergue l’importance de l’équilibre technique « individu à individu » en fonction de calcul des droits et de l’âge de départ à la retraite entre autres, notant dans le même contexte que d’autres sources de financement alternatifs devraient être repensées pour assurer le financement des droits passés.
Le colloque a démarré par la présentation des rapports introductifs et des témoignages, suivis de discussions sous forme de trois panels autour de plusieurs axes. Le premier axe a concerné les stratégies et les modalités de financement des questions se rapportant à la fragilité sociale, notamment la vieillesse, la retraite et les personnes en situation de handicap, alors que le deuxième a abordé le rôle des pouvoirs publics face aux défis économiques, aux impératifs de la croissance, à la transition démographique et aux problématiques liées aux inégalités territoriales.
Enfin, le troisième axe a traité des politiques publiques stratégiques en relation avec la programmation budgétaire, les enjeux de la dette, la transition numérique, ainsi que l’évaluation des politiques publiques.
SB