Apparemment, cette fois-ci sera la bonne. Dans tous les cas, s’attaquer à la « mafia » de la spoliation foncière n’est pas aussi facile que l’on pourrait espérer. Ses réseaux sont bien implantés dans l’administration, la conservation, la justice et autres arrondissements… Des Semsaras « avertis », protégés et loin d’être inquiétés par une quelconque loi. Ceci est un constat qui ne devrait normalement surprendre personne dans la mesure où la justice, censée sécuriser les biens des personnes, se trouve le plus souvent incapable de trancher, pour ne pas dire qu’elle est parfois complice. A en croire certains professionnels, des sièges d’administrations locales ont été construits sans respecter les règles prévues en la matière. Ces mêmes professionnels estiment que c’est bel et bien l’administration marocaine qui facilite la spoliation foncière. Et la corruption, moyennant des sommes importantes, s’occupe du reste. Une réalité hallucinante qui met en exergue l’une des problématiques les plus compliquées de notre pays et qui nous tire toujours vers l’arrière, à savoir « Al Fassad Al Idari », parfaitement ancré dans les mentalités des uns et des autres, et devenu au fil du temps la règle. Et le fait de la combattre est devenu l’exception. Certes, des campagnes anti-spoliation s’organisent de temps à autre, mais une fois la tempête passée, rebelote ! Les spoliateurs et leurs complices, parfaitement informés, anticipent. Autrement dit, on est face à une mafia rodée qui ne cesse de faire du mal à beaucoup de citoyens victimes de l’impuissance judiciaire et la complicité administrative.
Notre rédaction, comme d’ailleurs beaucoup d’autres, reçoit des plaintes en la matière de la part de citoyens se déclarant victimes de spoliation foncière. Et des réclamations pareilles, le cabinet royal en reçoit plusieurs. Dans les tribunaux du Royaume, le ministre de la Justice Ramid a indiqué que 37 affaires sont devant le juge.
En ce début de semaine à Rabat, précisément dans les locaux de l’Institut Supérieur de la Magistrature, il a été question de la spoliation foncière. Les gros bonnets de la justice marocaine, à leur tête le ministre de la Justice Ramid et le président de la Cour de Cassation Farès, ont été de la partie. Au menu : la spoliation de biens immobiliers immatriculés et enregistrés au nom d’autrui, notamment de citoyens étrangers ou de personnes absentes.
Il est important de mentionner que cette rencontre a été notamment marquée par la lecture d’une lettre royale pointant vigoureusement du doigt les spoliateurs.
Ainsi, dans sa lettre adressée au ministre de la Justice, le Souverain se veut catégorique. Il s’agit « d’un grave phénomène » inquiétant. Il est grand temps de « faire face avec rigueur aux spoliateurs ». Le Roi insiste dans sa lettre sur la mise en place d’une commission spéciale dédiée à lutter contre ce phénomène. Dans tous les cas, le Souverain a donné ses directives et ses ordres pour combattre comme il se doit le phénomène de la spoliation foncière.
Reste à savoir maintenant comment y procéder. Dans sa lettre, le Roi appelle à la création d’un mécanisme qui aura pour mission de concevoir un plan d’action urgent visant à contrecarrer ce phénomène en faisant prévaloir la rigueur des procédures et la continuité d’action.
Dans le même sens et selon Ramid, la protection des biens immobiliers et le renforcement de la sécurité foncière requièrent une approche participative impliquant l’ensemble des intervenants. Idem pour la mise en œuvre de procédures garantissant l’application ferme des dispositions juridiques et judiciaires et à la prise de mesures préventives susceptibles de pallier toute défaillance juridique ou procédurale en rapport avec ce phénomène, explique-t-il. Il a, en outre, appelé les responsables judiciaires et administratifs à optimiser la célérité de traitement de ce type de dossiers pour permettre à la justice de se prononcer dans les meilleurs délais sur ces affaires et ce, conformément à la loi.
Ramid a, par ailleurs, passé en revue nombre de moyens mystificateurs utilisés dans la spoliation foncière en vue de contourner la justice, tels que l’usage de fausses procurations, signées au nom des vrais propriétaires, la falsification de pièces d’identités, d’actes d’héritages ou de testaments lors de la conclusion de contrats de vente.
Le ministre a, de même, fait remarquer que les différentes affaires traitées par les tribunaux ont dépassé le stade d’agissements individuels, prenant la forme de crimes organisés exécutés par plusieurs intervenants qui se répartissent les rôles.
En somme et de l’avis de beaucoup, l’accaparement des biens fonciers d’autrui constitue un sérieux danger. La justice, et seule la justice, est invitée à jouer son rôle de protecteur des droits des citoyens, en adoptant des jugements dissuasifs proportionnels à la gravité de tout acte portant atteinte à la sécurité foncière. Les spoliateurs et leurs complices, eux, devraient être jugés conformément aux lois en vigueur…
La réunion de 2015
Pour rappel, lors d’une réunion tenue en décembre 2015, les procureurs généraux et les procureurs du Roi ont invité à intervenir avec rigueur dans les dossiers de spoliation de biens immobiliers et doivent, à ce titre, diligenter les investigations qui s’imposent, faire les requêtes nécessaires et accorder un intérêt certain aux dossiers. Ils sont également tenus de se coordonner avec les Adouls, notaires et avocats en vue de déceler le faux. Les conservateurs fonciers sont aussi appelés à rejeter toute inscription au titre foncier au cas où elle ait un lien avec ce type de dossier, et que la requête suscite des doutes sur la licité de la transaction immobilière.